C'était un matin de novembre, froid soudain avec un parfum de neige tombée de la nuit sur les premiers versants de la montagne, sans qu’on la voie. Dans le ciel des mêmes boulevards, des nuages, ici très sombres, ailleurs laiteux, se défaisaient et se reformaient sur un fond de ciel bleu pâle, dans des trouées où le soleil jaune projetait ses rayons, qui vous réchauffaient quand vous arriviez sur la place du marché, devant la gare du Sud, en même temps que coupants comme des lames d'épées glissées du haut du ciel à travers les nuages. Il fallait, me dis-je, manger des mandarines. Un ami qui s'inquiète pour moi, me demande souvent, Manges-tu assez de fruits? À l’approche de Noël, le goût des mandarines devient nécessaire à l'âme aussi bien qu’à tout l'être qui veut vivre encore, le vieux bougre, malgré sa faiblesse et les rhumatismes. Leur couleur répandue sur les étaux des marchands éclatait dans le gris bleuté de l’air où la nuit avait laissé comme des traînées d...