Accéder au contenu principal

Articles

Affichage des articles du janvier, 2025

Titus (3)

Titus a toujours eu du mal à trouver des contrats, et le temps n’a pas arrangé les choses. Le jazz, ce que lui, Titus, appelait le jazz, était passé de mode. Il reculait moins vite en Europe qu’il le faisait aux États-Unis, mais il reculait tout de même. Les boîtes de nuit, à Lisbonne, où il pouvait proposer ses services, ne se comptaient plus que sur les doigts d'une main, aussi lui fallait-il se déplacer. Il était connu à Paris, à Londres, en Italie, il avait pour amis quelques solides pointures, comme Dédé Ceccarelli, Eddy Louiss, Michel Petrucciani, et d’autres aussi célèbres. Grâce à eux, qui l’embarquaient dans des projets, qui le recommandaient pour son talent, il ne restait jamais bien longtemps sans travail. Et il n'hésitait pas à s’embarquer dans d’interminables voyages en train, qui le conduisaient parfois jusqu'à Prague ou en Lituanie, et il avait beau ne jamais se plaindre dans ses lettres, bien sûr, je m'inquiétais pour lui. Il fut un moment où j’envisagea...

Titus (2)

Titus était l’aîné. Il avait huit ans à la naissance de mon père, ils habitaient à Buenos Aires, et Titus s’est beaucoup occupé de mon père quand leur mère est restée seule. Puis, quand mon père a eu douze ans, Titus les a quittés, d’abord pour les États-Unis, ensuite pour l’Europe. Il voulait faire du jazz. Et quand ma mère est tombée malade, mon père a songé à m’envoyer chez lui, à me confier à lui. Il m’a mis dans un bateau et j’ai fait le voyage pour vivre pendant trois ans auprès d’un homme que je ne connaissais pas. Les choses se sont passées ainsi. Pour autant, qu’est-ce que mon père savait de lui, après toutes ces années de séparation, sinon que Titus avait continué de faire de la musique et que désormais il vivait à Lisbonne? Pas grand chose, je crois. Ils ne s'étaient jamais revus, ils avaient dû s'écrire, de loin en loin, mais je crois que mon père n’avait pas une grande estime pour lui, que, pour une raison ou une autre, sans doute parce que Titus était parti et qu’...

Titus (1)

Quand j’ai annoncé que mon oncle Titus avait été victime d’une agression, chez lui, à Lisbonne, tout le monde s’est bien douté que le personnage en question était lié au Cercle, sans quoi je n’aurais pas évoqué son cas devant cette assemblée. Mais à part Fernando Auguri et sans doute aussi Anna Maria, personne ne pouvait savoir comme je savais que le Cercle de Lisbonne était dissous depuis longtemps.  Je m'étais adressé à Auguri, notre Secrétaire, et à lui seul, comme c’était la règle, et celui-ci m’avait répondu: “J’en suis désolé pour votre famille. Votre oncle a survécu? — Oui, par chance! Mais on me dit qu’il n’en sort pas indemne. Que son esprit est troublé par le choc qu’il a reçu. — J’imagine que vous souhaitez vous rendre auprès de lui? Que vous envisagez de faire le voyage? — En effet, si vous n’y voyez pas d’inconvénient. Si ma présence ici n’est pas indispensable dans les prochaines semaines… — Bien sûr que non! Les affaires sont plutôt calmes en ce moment. Prenez tout v...

Des voyageurs romantiques (6)

“Je possédais un canot à voiles qui s’appelait l’Ariel, et qui valait bien soixante-quinze dollars environ. Il avait un pont coupé, avec un coqueron, et il était gréé en sloop; — j’ai oublié son tonnage, mais il aurait pu tenir dix personnes sans trop de peine. C’était avec ce bateau que nous avions l’habitude de faire les plus folles équipées du monde; et maintenant, quand j’y pense, c’est pour moi le plus parfait des miracles que je sois encore vivant.” Vous reconnaissez ce canot? C’est celui qu’Edgar Allan Poe attribue à Gordon Pym au tout début de ses aventures. Celui de Luigi Castigliani était en tout point pareil. Luigi s’en servait pour la pêche, il s’en servait aussi pour promener des touristes dans le golfe de La Spezia. Jérémie le lui avait loué deux ou trois fois pour se promener, au coucher du soleil, en emmenant Cécile. Et cette nuit-là, c’est l'idée de ce frêle navire qui nous a rendus fous. Jérémie était parti tout de suite après la dispute. Cécile était dans l’escal...

Des voyageurs romantiques (5)

Qu’est-ce que Cécile avait pu dire à son père pour que celui-ci accepte de revoir Jérémie Shankar après l’épisode dit de “la fugue parisienne”? Probablement qu’elle était la seule fautive. “Jérémie, tu comprends, venait d’apprendre, en arrivant à Paris, qu’il ne figurait plus au casting de la prochaine saison de Che ti amo . Un message qu’il avait reçu sur son téléphone. Le personnage qu’il incarnait depuis le début avait été exfiltré du scénario, on l’avait fait mourir dans un accident de voiture. Et Jérémie ne s'était pas attendu à cela, il avait le moral en berne. Alors, j’ai voulu le rejoindre, mais lui ne voulait pas… — Mais enfin, Cécile, il t’avait annoncé la nouvelle! Il avait fallu qu’il se plaigne auprès de toi, pour que tu t’appitoies sur son sort! Tu penses qu’il n’avait personne d’autre à qui parler? Qu’il avait besoin d’une gamine de dix-huit ans pour lui dire ses déboires? — Il faut croire que non, en effet, il n’avait personne d’autre à qui se confier. Peut-être que...

Sept slogans

Soyez indulgent envers les autres et envers vous-même! Éloignez-vous de tout discours viriliste de radicalité! Soyez sceptique! Réservez-vous pour les combats qui en valent la peine et que vous avez une chance de remporter! Évitez la dispute! Ne vous justifiez pas! Faites! Ne réfléchissez pas trop! Il y aura plus dans ce que vous ferez!

Le problème de l'eau (3)

Cette nuit-là, quand Alejandro sort du motel, il voit la voiture de Dennis garée sur le parking, tous feux éteints, et aussitôt après il voit que deux personnes sont assises dans la clarté de l’habitacle, sur le banc de la station d’autobus. Alors, il se dirige vers elles et, d’assez loin, il reconnaît Daria et Dennis. Il marche lentement dans leur direction, il n’est pas sûr de ne pas rêver, à chaque pas qu’il fait, il s’attend à ce que la vision se dissipe, ou que les deux humains soient remplacés tout à coup par deux corneilles, mais l’image au contraire se précise, c’est bien eux, assis sur ce banc comme deux collégiens qui se seraient retrouvés à la sortie des cours, un peu à l’écart des autres, pour mieux se parler, pour apprendre à se connaître. Et eux, de leur côté, ils le regardent approcher. Sans doute, l’ont-ils reconnu, car ils ne se lèvent pas mais ils sourient. Alors, Alejandro ne peut pas faire autrement que de sourire, lui aussi. Dennis finit par se lever. Il dit: “Nous...

Le problème de l'eau (2)

Alejandro disait: “Il y a une période de ma vie où j’ai été là-bas. Je n’ai jamais trop su ce que j’y faisais, si je faisais bien ou mal, si je m’acquittais correctement de la mission qui m’était confiée. Alejandro le savait-il lui-même? Je n’en suis pas certain. Que sont devenus depuis lors Daria et Dennis, sont-ils encore en vie, sont-ils restés en couple dans le petit ranch qu’ils habitaient à l'entrée du désert? Je n’en ai pas la moindre idée. Je pense souvent à eux, je leur souhaite le meilleur, le plus doux et le plus bouleversant qu’une existence humaine puisse apporter, mais il ne m’appartient pas de le savoir.” Alejandro disait qu’il avait gardé des images étonnement précises de cette période. Durant la journée, le centre commercial attirait beaucoup de monde. C'étaient des milliers de personnes qui affluaient en voitures, puis qui circulaient partout à l’intérieur du bâtiment, à tous les étages, dans tous les sens, des êtres qui ne tenaient plus au sol et dont les ima...

À propos de Donald Trump

Chers amis,  Il faudra que nous parlions aussi, tout de même, de la passion inverse, qui consiste à ne pas croire, de la passion de ceux qui refusent de croire, même pas à ce que dit la "science", mais plus simplement à ce que disent certains parmi nous qui ont travaillé la question, qui y ont consacré leurs vies, et qui en savent plus que nous, par exemple sur l'économie, sur l'efficacité des vaccins ou sur le dérèglement climatique. Je pense bien sûr à tous les complotismes, d'extrême droite et d'extrême gauche, et à ce que nous voyons avec l'investiture de Donald Trump. Et que Trump se réclame de Dieu pour affirmer qu'il ne croit pas ne change rien.

Blue Moon

Le critique de jazz qui choisit les titres, ce soir, pour le Club Jazzafip (je ne retrouve pas pas son nom sur le site mais je le retrouverai) dit que cette chanson d'Elvis Presley était l'un des titres préférés de David Lynch. Et, à propos d'un autre titre qu'il avait choisi ce soir, il a employé l'adjectif "dangereux". Il a dit quelque chose comme "C'est beau, c'est presque dangereux." Je n'avais jamais entendu ce mot employé à propos d'une musique ou d'un film. Peut-être parce que je suis un peu malade, il me semble très juste. 

Le problème de l'eau (1)

La cafétéria était en étage. Ses baies vitrées donnaient vue sur le parking du centre commercial. Plus loin, il y avait le cinéma, et plus loin encore le motel où Alejandro avait loué une chambre. Le reste, c'étaient des autoroutes, de larges voies bitumées qui s'entrelaçaient et se superposaient en certains endroits, qui formaient des nœuds puis des élancements à perte de vue, séparées par des îlots d’habitations avec des maisons qui paraissaient minuscules, écrasées par le ciel, des bouts de jardins et des piscines. On lui avait demandé de faire le voyage en avion puis de se tenir à cet endroit pour surveiller un homme qui venait en voiture. Il la laissait sur le parking, il disparaissait dans le centre commercial, puis il réapparaissait, une heure plus tard, ou parfois davantage, le plus souvent les mains vides, il remontait dans sa voiture et repartait avec. On ne lui avait pas demandé de le photographier, ni d’essayer de le retrouver ensuite dans le centre commercial, il d...

Des voyageurs romantiques (4)

Jérémie était venu à la villa pour raconter une histoire. Pour se vanter d’une histoire qu’il avait sans doute inventée, ou peut-être pas. Et il y trouvait un public dans les personnes de Cécile et d’Anna Maria. Cette dernière ajoutait-elle foi à son récit? Ce n’est pas certain. Mais Cécile n’en perdait pas une miette et, visiblement, le charme du narrateur continuait d’agir sur elle, raison pour laquelle Anna Maria prenait garde de la laisser seule avec lui. Quant à Thierry, de toute évidence, il évitait le bonhomme. Et quant à moi, j’en faisais de même, m’en tenant à mes habitudes de promenades solitaires, de baignades hygiéniques et d’écriture. Il arrivait néanmoins qu’Anna Maria frappe à la porte de ma chambre, le soir, après dîner, et que, assise sur le bord de mon lit, en dépit de la chaleur, elle me rende compte de ce qu’elle avait entendu, si bien que je peux à mon tour en dire quelque chose. Jérémie racontait qu’il avait fait la connaissance, à Rome, d’une étudiante en école d...

Un dentiste de Montmartre (5)

Il existe deux fins à cette histoire: l’une que Daniel Breuer a raconté à plusieurs reprises, à Buenos Aires, à l’occasion de fêtes et de leurs agapes, devant le Cercle réuni; l’autre dont il me fit part, quelques années plus tard, un soir que nous étions sortis respirer l’air de la mer sur la terrasse du casino de Monte-Carlo. Dans la première, il accompagnait le dentiste jusqu’au restaurant qui jetait un halo de clarté nimbé de brume sur le quai du canal. À peine avaient-ils passé la porte que Iago venait vers eux, les bras tendus. “Ah, Monsieur Laigle, vous êtes venu, et avec un ami! Je suis content de vous voir. Donnez-moi vos manteaux, on va vous trouver une table. Ce soir, nous servons de la choucroute. Vous n’en mangerez pas de meilleure à Paris!” La salle était bondée. Il y avait de la lumière et du bruit, et ils étaient servis par Édith elle-même. Celle-ci, debout près de leur table, s’est d’abord expliqué: “Je vous assure, Monsieur Laigle, que j’allais vous appeler. Chaque ma...

David Lynch est mort

David Lynch est mort. Je l’apprends ce soir. Angelo Badalamenti est mort il y a à peine plus d’un an. David ne lui aura pas survécu bien longtemps. Dans les moments les plus difficiles, il y a bientôt cinq ans, c’est grâce à ses films que j’ai survécu, hors la vigilance de mes enfants, et avec l’opus Only Lovers Left Alive de Jim Jarmusch. Et avec la musique que j'écoutais dans la rue, en marchant sans fin, dans tous les sens. Aujourd'hui, depuis des jours, Los Angeles est en flammes. Je continuerai, tant que je pourrai, d'écrire des petits romans d’aventures.

Un dentiste de Montmartre (4)

Laigle a continué. Il a dit: “J’ai mangé seul, dans la cuisine, une boîte de raviolis que j’ai fait réchauffer, et que j’ai accompagnée d’un verre de whisky, puis je suis allé dormir sur le canapé du salon. Dans la nuit, je me suis souvenu de Iago. Je ne l’avais vu qu’une fois. Il s'était présenté au cabinet, un soir, après que le dernier client était parti, et quand Édith avait déjà enfilé son manteau pour partir, elle aussi. Il m’avait interpellé d’un bout à l’autre du salon: ‘Monsieur Laigle, je peux venir vous serrer la main? Je suis Iago, le frère d’Édith’.” Nous touchions là à la pointe de l’histoire. On en sentait le parfum chargé d’ambre et de poivre. De lune vague après la pluie. Si nous étions capables de dire ce qui nous attire dans tous les visages qui nous ont attirés, ou ce qui nous fait peur dans tous les visages qui nous ont fait peur, depuis l’enfance, nous n’aurions pas besoin de raconter des histoires. Il suffirait de le dire. Mais cela est impossible. Alors, nou...

Un dentiste de Montmartre (3)

Ils se sont retrouvés au même café de la rue des Abbesses. Laigle n’a pas voulu lui en dire davantage au téléphone. Il lui a seulement dit: “Demain soir, si tu es d’accord, au même café de la rue des Abbesses, à la même heure.” Sandler lui a répondu qu’il y serait, et Laigle a ajouté: “Équipe-toi de bonnes chaussures. Il se peut que nous ayons à marcher.” Il ne pleuvait pas mais il faisait encore nuit, ce que le Maître n’aurait pas approuvé, affirmant que la nuit était mauvaise conseillère, qu’elle troublait les esprits, aussi bien que la pluie, raison pour laquelle il fallait les éviter quand il s’agissait d’accomplir une mission. Mais on ne choisit pas toujours. Et d’ailleurs, s’agissait-il bien encore d’accomplir une mission, ou seulement de venir en aide à un membre de la confrérie, ou à un correspondant de la confrérie, qui était aux abois? Donc, ils se retrouvent à la même table, devant les mêmes grogs. Laigle lui narre par le menu la soirée catastrophique à l'opéra, ponctué...

Le fantôme de Baudelaire (1)

Quand l’un de nous était désigné pour effectuer une mission, il savait ce qu’il aurait à faire mais il ne savait pas pourquoi. Le Maître, son Secrétaire et Anna Maria étaient seuls à le savoir. Ils en avaient longuement discuté, ils avaient pesé le pour et le contre au cours d’innombrables échanges, et nous ne doutions pas que la décision qu’ils avaient prise allait dans le sens de la concorde et du progrès universels, même si elle n'était pas toujours conforme à la loi. Et nous ne doutions pas non plus que le Cercle avait des appuis dans les hautes sphères de la société. Auprès des gouvernants de différents pays. Qu’il recevait des financements occultes. Qu’en cas de dérapage, d’accidents de parcours, nous serions protégés. Cela s'était vu. On le racontait. Mais, pour l’affaire du fantôme de Baudelaire, il n'était pas question de s’en prendre à quiconque. De commettre aucun délit. De dérober aucun dossier dans les archives d’un notaire. De remplacer, dans une salle de musé...

À propos de Stevenson

Dans son introduction à l' Intégrale des Nouvelles de Robert Louis Stevenson (édition Phébus, 2001, volume 1, p. 10), Michel Le Bris écrit à propos de l’auteur: “Le choix du récit bref rejoignait son rejet de l'idéologie réaliste, et plus généralement de la description. La nouvelle lui permettait surtout d'affirmer ce à quoi il tenait le plus: ce privilège accordé d'abord à l'image, non plus donnée comme décalque d'un quelconque réel, mais comme vision, projection de l'imaginaire imposant sa puissance créatrice au réel et le transfigurant. L'idée d'un pouvoir plastique de l'imaginaire est en effet au centre de la plupart des œuvres ici réunies, induisant une conception presque abstraite de l'art. Sa manière de procéder est toujours la même: une ou deux images, trois au maximum, issues dirait-on d'un rêve mauvais, visions arrachées ‘au cœur des ténèbres’, autour desquelles enrouler une intrigue ‘au fil de fer’, dont aucune digression ne ...

Des voyageurs romantiques (3)

Il était venu de Gênes en autobus. Celui-ci l’avait déposé devant la plage de San Terenzo, il avait demandé qu’on lui indique le chemin qui conduisait à la villa où habitaient “les Argentins”, et ainsi il avait continué à pied, gravissant la côte avec son sac sur le dos, à la manière d’un voyageur romantique, comme je faisais moi-même chaque matin. La veille au soir, il avait appelé Thierry Nogaret pour le prévenir de son arrivée. Il avait dit que sa voiture était tombée en panne à son retour de Rome, qu’il l’avait laissée à Gênes, dans un garage, et que, du temps qu’elle soit réparée, il avait songé à nous faire une visite, si du moins nous avions une chambre pour le recevoir. Thierry avait fait part de cette proposition à Anna Maria, qui ne connaissait pas cet homme, encore qu’elle avait entendu parler de lui, et comme, en effet, une chambre était libre, celle-ci n’avait vu aucune raison de refuser. “Pour autant, je ne suis pas certaine que Thierry soit ravi de le voir”, devait-elle ...

Thanks to Leonard Bernstein

La première fois que je suis allé à Paris avec mes parents, je devais avoir douze ans. Notre hôtel était tout près des Champs Elysées. Et je me souviens de deux choses: 1) Je lisais une biographie de Van Gogh. 2) Nous sommes allés voir West Side Story dans un cinéma des Champs Elysées. "I like to be in America / Okay, buy me in America..." Trente ans plus tard, nous chantions cela dans la voiture, avec nos enfants.  America great again! Qu'en dirait aujourd'hui Donald Trump?

Un dentiste de Montmartre (2)

L'histoire de Gérard Laigle, le dentiste de Montmartre, ne s'est pas terminée là, mais la suite est plus confuse. Denis Sandler s'entretenait avec lui dans ce café, au bout de la rue des Abbesses, quand une élégante automobile noire est venue s'arrêter devant les vitres que la pluie inondait de traînées lumineuses. Celles-ci semblaient vivantes et serpentaient comme des larves descendues du ciel. Que faisaient-elles ici? Quelle était leur mission? Selon toute apparence, elles essayaient de communiquer avec les habitants de la terre en leur adressant de mystérieux signaux, dans leur langage non-linéaire et silencieux que les plus éminents spécialistes de différents pays travaillaient à déchiffrer.  Le praticien s'est tourné vers l'automobile, où un visage transparaissait derrière le pare-brise, et il a dit: "C'est mon épouse. Une première nous attend, ce soir, à l'opéra. Il faut que je vous quitte." Puis, en se levant, il a ajouté: “Vous êtes à ...

Des Voyageurs romantiques (2)

Je passe sur ce qu'il est trop facile de deviner. Jamais la beauté dAnna Maria ne m'avait paru si émouvante. Elle n'avait pas quarante ans. Ses cheveux qui frisaient sur sa nuque, l'ourlet de son oreille, le galbe de ses jambes dorées, ses tenues si simples, une robe blanche et des sandales aux pieds, lacées sur ses chevilles, les longs doigts de ses mains, un sourire, un bout de langue entre ses lèvres. Sa présence m'était difficilement supportable. Je craignais toujours de dire un mot de trop, de risquer un geste qui m'aurait trahi. D'abuser de sa confiance. D'encourir sa fâcherie. De me rendre ridicule. Aussi, je la fuyais. J'avais pris mes habitudes. Je partais le matin pour la plage. Je descendais à pied la petite route qui conduisait au port, sinuant entre les grilles des villas et leurs jardins. Je regardais le ciel. Les serres. Les terrasses d'oliviers. Les bouquets de roseaux. La plage formait une anse abritée par le môle. Je me baignais...