Quand vous vous réveillez dans votre chambre des quartiers nord et que vous songez au restaurant du Club nautique, celui-ci vous paraît terriblement lointain et désirable. L’attirance est si forte que vous êtes tenté de quitter aussitôt votre lit pour partir à pied, à travers la ville, dans sa direction. Mais vous savez que cette tentative ne serait pas raisonnable. Vous n'iriez pas loin, les forces vous manqueraient, surtout vous savez qu’à cette heure de la nuit, la ville est indécente, qu’il ne faut pas la voir.
La beauté vient par surprise. Une image vous saisit, elle éclate sous vos yeux comme un chameau marchant dans le désert ou comme la nudité d’un corps, et dans le même instant, vous vous dites qu’il fallait bien que cela arrive un jour, qu’elle se montre enfin, vous croyez la reconnaître encore que vous ne l’avez jamais vue ni imaginée auparavant, à moins qu’il vous soit arrivé déjà de la voir sans qu’il se passe rien.
Pier Paolo Pasolini la cherchait aux confins de la ville, là où les immeubles s'élèvent sur des terrains vagues, avec l’herbe sèche des prés et la mer à l'horizon. Nuit après nuit, il s’égarait sur des chemins de sable, plus loin dans ces banlieues où des baraques en planches tiennent lieu de restaurants. Vous songez au bruit des Vespa qui pétaradent entre les haies de roseaux, aux parties de football qu’on dispute dans les cours où les frappes du ballon, les glissades, les ahannements et les cris de protestation résonnent, à l’eau qui circule dans les carrés de tomates, aux chapelles peintes à fresque dont les couleurs s'effacent. Qu’en reste-t-il aujourd'hui sur la pellicule et sur l'écran?
Il nous manque une salle de cinéma qui serait construite sur la plage, derrière les roseaux.


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