Sur la question des œuvres d'art comme actes de langage, deux choses. 1) Je n'affirme pas que les œuvres d'art soient des actes de langage et seulement des actes de langage, je dis que c'est le point de vue sous lequel je les considère. Les propositions que j'avance à partir de là ne peuvent avoir qu'une valeur heuristique. 2) Quand je considère une œuvre d'art comme un acte de langage, disons un tableau de Manet ou de Matisse, je le fais sans supposer du tout qu'il redoublerait une parole (un discours) qui en serait le prétexte ou le programme. Bien au contraire, je veux dire que la peinture est, dans les deux cas, un langage à part entière, parmi les autres, qu'aucune parole ne peut ni précéder ni traduire.
Je peux même ajouter que la peinture n'est pas dans les deux cas le même langage dont useraient les deux artistes, mais que le terme de "peinture" recouvre alors deux langages différents. Ce qui implique l'idée d'une radicale singularité des discours artistiques.
J'essaie d'envisager l'art pour ce qu'il est à l'époque moderne, disons depuis la Renaissance, et dans ce qui l'oppose aux productions de l'IA. Suivant Wittgenstein, je ne pense pas que, lorsqu'on parle d'art, on désigne toujours une même catégorie d'objets ni les mêmes pratiques. Je ne cherche pas à définir l'essence de l'art à la manière des philosophes. De mon point de vue, la question pourrait revenir à se demander si les productions anonymes de l'IA nous ramèneraient, par exemple, à l'art pariétal ou à celui des bâtisseurs de cathédrales. Je ne vois aucun inconvénient à l'envisager. Mais, dans les deux cas, il me semble que l'art était porté par un sentiment du sacré dont l'IA est bien dépourvu. Je crois que l'art ne peut se concevoir aujourd'hui que comme l'expression nécessairement expérimentale et singulière d'un sujet humain.
Beaucoup de gens semblent n'accorder de valeur à une œuvre d'art que pour la place qu'elle occupe dans le débat politique. Beaucoup d'autres, quant à eux, semblent ne lui accorder de valeur que pour la place qu'elle occupe sur le marché du divertissement. Dans les deux cas, quelque chose est refusé à l'art de ce qui me semble en définir aujourd'hui les pratiques les plus significatives, et qui tient à la singularité des démarches personnelles, quant à ce qu'il s'agit de dire aussi bien que de la manière dont l'artiste le fait.
Chaque fois, quand je découvre des œuvres qui me parlent, quelle que soit la discipline artistique à laquelle elles se rattachent, j'ai l'impression de me trouver devant la radiographie d'un imaginaire personnel. Et chaque fois, ce que l'artiste montre ou dit me paraît inattendu en même temps que nécessaire, inévitable depuis toujours. Je n'aurais pas su l'imaginer moi-même, le prévoir d'aucune manière, en même temps (me dis-je) qu'il fallait bien que cela arrive. Que quelqu'un le fasse ou le dise. C'était une potentialité particulière de notre humanité commune. Jusqu'à présent cette planète de notre galaxie n'était pas apparue, elle ne s'était pas montrée à nous, mais désormais nous saurons où la trouver sur la carte du ciel. Nous pourrons en parler. Il suffira de citer le nom de l'artiste pour que ce nouveau monde soit convoqué et ouvert à la visite.
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerMa méthode (celle qui me convient, celle qui me permet d'écrire) consiste à construire des petits schémas heuristiques. Dis-moi quel philosophe pourrait prendre cela au sérieux? Je ne cherche à définir les concepts que par leurs oppositions structurales. Du coup, mes modèles sont plutôt du côté de la linguistique. Si j'avais 20 ans de moins, j'en reviendrais peut-être à Aristote, mais ce n'est plus à ma mesure. Je dois me contenter de ces petits jeux de langage.
RépondreSupprimer