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Affichage des articles associés au libellé Le bout du monde

L'oncle Pierre

Pierre s'inquiète pour Arsène. Pierre est l’oncle d’Arsène et Arsène a perdu ses parents. Ceux-ci sont morts ensemble dans un accident de voiture. Ils étaient propriétaires d’un chalet à La Colmiane-Valdeblore où ils passaient leurs fins de semaines et la plus grande partie de leurs vacances, puis un jour, comme ils étaient chez eux, à Nice, ils reçoivent un appel téléphonique du commissariat de Saint-Martin-Vésubie. On leur dit que leur chalet a été visité par des cambrioleurs, qu’on les attend pour les constatations d’usage. Le lendemain, ils s’y rendent en voiture, ils font la liste des pertes et des dégâts en compagnie d’un policier, puis celui-ci les quitte, et quand ils se retrouvent seuls ils s'aperçoivent qu’ils ne peuvent pas rester dans cette maison, que c’est impossible. Évelyne appelle sa meilleure amie pour lui parler de ce découragement qui les assaille, son mari et elle, de ce mauvais sentiment qu’ils éprouvent à l'égard de la maison, comme s’ils ne la reconn...

Un mariage

Nina est invitée à la fête donnée pour le mariage de sa cousine Isabelle, et elle demande à Arsène de l’accompagner. C’est en automne et la fête est donnée dans une auberge située sur la plaine du Var, au bord de la route bordée de grands platanes qui file tout droit vers la montagne. Quand Nina et Arsène arrivent à l’auberge, il fait nuit, une pluie abondante et tiède inonde la route, et la fête a déjà commencé.  Ils sont venus en taxi. On aperçoit les fenêtres éclairées de l’auberge, de l’autre côté de la route. On les voit traverser la route en se tenant la main de crainte de glisser, et en baissant la tête sous la pluie qui secoue les arbres, qui s’abat sur eux par rafales. Ils arrivent trempés. Nina a demandé à Arsène de l’accompagner à cette fête parce qu’elle craignait de s’y ennuyer. Elle a pu dire quelque chose comme: “Ma cousine est très gentille mais nous ne nous ressemblons pas beaucoup, nous n’avons pas les mêmes goûts ni les mêmes amis, je ne connaîtrai personne.” Et ...

Le bout du monde

Nous pique-niquons sur les galets de la plage, en bas du boulevard Gambetta, à la nuit tombée, parmi une foule d'autres familles, puis, quand il fait tout à fait nuit, le feu d’artifice est lancé et tout le monde se lève pour applaudir les gerbes de lumière qui remplissent le ciel de la Baie des Anges. C’est un 14 Juillet, la première année que nous sommes à Nice. Puis, quand le feu d’artifice s'éteint, nous quittons la plage pour remonter le boulevard Gambetta jusque chez nous. Je n’ai pas cinq ans, ils me tirent par la main et, au fur et à mesure que nous montons, l’éclairage public se fait plus rare et la nuit plus épaisse. Nous habitons alors au 104 du boulevard Gambetta, à peine plus haut que la rue Trachel. Trois ou quatre ans plus tard, nous irons habiter cent mètres plus haut, sur le même boulevard, au sommet du grand immeuble qui domine l’enfilade de la rue Vernier où se font face l'école et l'église Saint-Étienne. Ce récit est un récit de voyage, ou un récit g...

L'étalagiste

J’ai voulu vérifier. Entre l’immeuble que nous habitions, rue Verdi, et celui où je suis allé me réfugier, rue Dabray, la distance est d’un kilomètre, pas davantage. Et pourtant j’avais le sentiment de basculer dans un autre monde. Pas seulement parce que je passais d'une quartier bourgeois à un faubourg ouvrier, mais comme si j’avais changé de planète. C’est le sentiment que j’ai eu le premier jour, et que j’ai gardé pendant toute la période où j’ai habité là-bas. Combien de temps cette période a-t-elle duré? Plusieurs mois, un peu plus d’un an sans doute. Pour le savoir avec précision, il suffirait que je consulte mon agenda, mais je ne veux pas le faire. Je ne le ferai pas tant que je n'aurai pas fini mon récit. Cela n’aurait pas de sens. Pas plus que je ne veux faire la différence entre les évènements que j’y ai réellement vécus et ceux que j’ai imaginés. Ils sont nombreux. Je ne les ai pas notés. Je m’en souviens. Ils me reviennent en mémoire dans le désordre. Un souvenir...

Le voyageur arrêté

Au chapitre précédent, le narrateur a compris qu'il ne pourrait plus retourner dans l'appartement de la rue Verdi qu'il habitait avec Louise. Dans l’affaire, j’ai perdu mes livres. Je n’en ai emporté qu’un la dernière fois que j’ai été dans notre appartement, le Godard d’Antoine de Baecque, une somme biographique qui m’est indispensable pour la poursuite de mon travail. Pour le reste, j’ai écrit à mes enfants qu’ils peuvent emporter tous ceux qu’ils veulent, il leur suffit de choisir, et ceux dont ils ne veulent pas, ils n’auront qu’à les déposer sur le trottoir.  Chantal Akerman raconte qu’elle ne gardait aucun livre, qu’elle les déposait sur le trottoir, devant l’endroit où elle habitait pour un temps, je n’ai pas fait le compte de ses adresses successives mais il doit y en avoir beaucoup, puis qu’elle observait par sa fenêtre les passants qui s'arrêtaient devant les piles, et qui les reniflaient, les feuilletaient, lisaient dans leurs pages quelques lignes au hasard...

Un sortilège

Paul se souvient qu’après la mort de sa femme Louise, il n’a plus supporté de vivre dans l’appartement du centre ville, rue Verdi, qu’ils avaient habité ensemble. Il loue une chambre au-dessus d’un café de la rue Dabray où il fait connaissance de l’inspecteur Auden. Celui-ci le charge de surveiller les agissements d’un groupement d’activistes qui se réunissent une rue plus haut, à L’Agadir. Paul identifie leur chef, un certain Julien Morelli, mais son attention se focalise sur la jolie Nina qui occupe dans le groupe une place à part. Sa mère est mexicaine, son père serait cubain. Il se souvient de Fidel Castro et il bat tout le monde aux échecs. J’ai annoncé à mes enfants que je ne retournerais pas à notre appartement de la rue Verdi, que je ne m'en sentais pas le courage. Je ne leur ai pas dit que j’avais essayé. C'était une histoire étrange dont je ne voulais parler à personne. Une nuit, je me suis réveillé dans ma chambre de la rue Dabray, j’avais dû rêver et, encore que ce ...

Nina

Paul Leiris, le narrateur, rencontre Rudy, un vieil ami qui fait escale à Nice après une longue absence, et qui s’étonne que Paul ait choisi d’habiter si loin dans les quartiers nord. Paul se souvient qu’après la mort de sa femme Louise, il n’a plus supporté de vivre dans l’appartement du centre ville, rue Verdi, qu’ils avaient habité ensemble. Il loue une chambre au-dessus d’un café de la rue Dabray où il fait connaissance de l’inspecteur Auden. Celui-ci le charge de surveiller les agissements d’un groupement d’activistes qui se réunissent une rue plus haut, à L’Agadir. Paul identifie leur jeune chef, un certain Julien Morelli, mais son attention se focalise sur la jolie Nina qui occupe dans le groupe une place à part.  La règle est que les filles ont le droit de batifoler avec tous les garçons du groupe, autant qu’elles veulent, comme les garçons ont le droit de faire avec toutes les filles du groupe, à tour de rôle, autant qu’ils veulent, à condition pour les filles surtout de n...

Le maillon faible

On connaît l’expression Rencontres du troisième type popularisée par Steven Spielberg, qui correspond au fait de voir un OVNI et ses occupants ou bien uniquement les occupants de l'OVNI comme cela se passe dans son film. Après ma rencontre avec l’inspecteur Auden, je suis allé à la rencontre des jeunes activistes de L’Agadir. J’entrais au bistrot pour boire un café à différents moments de la journée et il était facile de les reconnaître parmi les autres, compte tenu de leur âge et parce que souvent ils avaient avec eux des cahiers et des livres. Ils s’installaient à une table. Les Maghrébins le plus souvent prenaient leur café au comptoir, seuls les plus vieux d’entre eux s’asseyaient à des tables et on voyait leurs cannes posées à côté d’eux, comme des cannes de princes du désert ou celles de bergers. Beaucoup fumaient des cigarettes, l’atmosphère était empuantie par l’odeur de tabac qui se mêlait à celle d’un café de qualité médiocre, et comme on était en novembre, que déjà il fa...

L'inspecteur Auden

C’est à partir de là que les choses ont basculé. Il y avait, à peine plus haut que celui où j’avais trouvé asile, à l’angle de la rue Dabray et de la rue Vernier, un autre bistrot, L’Agadir, qui attirait mon attention mais où je n’entrais pas. Il était sombre et fréquenté par des Arabes. Je me serais senti étranger parmi eux. Je doutais qu'on y servît autre chose que du café. Je dépassais sa vitrine sombre et inquiétante sans m'arrêter ni ralentir le pas. Mais un soir, comme j'étais sorti après dîner, j'ai vu mon voisin le détective qui stationnait debout et raide sur le trottoir opposé. J’ai fait comme si je ne le voyais pas et j’ai repris mon vagabondage, toujours plus haut dans les quartiers nord. Je ne voulais pas y penser. Sa présence ici ne me regardait pas. Mais, le lendemain, à peu près à la même heure, comme cette fois j'étais dans ma chambre et que je travaillais à mon Godard, on a frappé à ma porte. C'était la première fois qu’on frappait à ma porte d...

Une boîte à chaussures

Le tour de chant se terminait quand j’ai vu un homme s’approcher du comptoir et demander sa clé. Il n’avait pas dîné là. Il était grand et mince. Il portait un imperméable et un chapeau mou. D’où venait-il? Qui était-il? Je crois que j’ai pensé à un détective aussitôt que je l’ai vu. Il paraissait sorti d’un film noir ou d’une bande dessinée. Le patron a échangé quelques mots avec lui, il lui a donné une clé et l’homme est reparti. À mon tour, je me suis approché du patron et je lui ai demandé s’il louait des chambres. Le bistrot occupait le rez-de-chaussée d’un immeuble haut de deux étages. On gagnait les appartements par une entrée voisine. La patronne m’a précédé dans l’escalier mal éclairé avec une clé à la main. Elle m’a dit qu’ils avaient l’habitude de louer à des représentants de commerce. Est-ce que j'étais représentant de commerce? J’ai répondu que non, que j'étais à la retraite. Au second, il y avait trois chambres. Elle en a ouvert une qui donnait sur la rue. Par la ...

Les Yeux noirs

Puis, un après-midi, je me suis arrêté dans un tabac qui est au coin de la rue Trachel et de la rue Dabray. J’ai commandé un verre de vin rouge que j’ai bu au comptoir, ce qu’il ne m'était jamais arrivé de faire à cette heure de la journée, puis j’ai repris ma promenade. Le ciel était gris et froid. Je suis monté jusqu’au parc Chambrun, dans un quartier résidentiel que je connaissais mal, parcouru d'avenues étroites qui serpentent entre les grilles de villas qu’on aperçoit de loin. Je m’y trouvais seul à marcher sur les trottoirs étroits et j’avais du mal à me convaincre que, derrière leurs façades, ces maisons étaient habitées. Puis, je suis entré dans le parc et je me suis assis sur un banc, devant le kiosque monumental en pierre blanche dont je devais apprendre par la suite qu’on l’intitule Temple de l’amour, en référence au temple romain de la Sibylle dont il serait une copie. Des enfants jouaient sur ses marches, ils faisaient résonner leurs voix et le bruit de leurs pas s...

Côté cour

J’ai continué d’habiter notre appartement de la rue Verdi pendant une dizaine de jours après la mort de Louise. Nos enfants étaient repartis. Je garde un souvenir très flou de cette période. Je n'ouvrais aucun tiroir, je ne touchais à rien, sauf aux médicaments dont je remplissais de grands sacs en plastique que j’allais déposer sur le trottoir, quand la vitrine de la pharmacie était éteinte et la rue déserte. Mon ombre sur les murs était celle d’un voleur. Nous étions en octobre. Je passais mes journées à marcher dans la ville. Mes pas me dirigeaient vers les quartiers nord, que je parcourais en écoutant de la musique indienne. Je ne regardais rien, il me suffisait de ne rencontrer personne qui pût me reconnaître. Je revenais aussi tard que possible. Épuisé par la marche, je passais sous la douche et j’allais m’écraser sur notre lit commun. Je ne me souviens pas des rêves que je faisais. Je me réveillais à deux ou trois heures du matin. Je traversais l’appartement, je glissais d’u...

Godard et Akerman

J’avais noté l'horaire de départ de Rudy et, le lendemain matin, je suis allé le retrouver à l’aéroport pour lui offrir un livre dont je lui avais parlé. C'était Les films de ma vie , de François Truffaut, dont je possédais un exemplaire de la première édition (1975) avec une jolie dédicace autographe de l’auteur à André Boucourechliev. Rudy m’a remercié. Il était étonné de me voir. Nous étions dans le hall, assis sur des fauteuils au fond desquels nous aurions pu nous endormir. Derrière les vitres, il y avait les avions prêts au décollage et ceux qui arrivaient dessinaient de grandes courbes sur la piste. Avec leur air de dinosaures métalliques, ils semblaient baisser le nez pour se montrer modestes malgré leurs grandes tailles, et pour ne pas commettre d’erreur dans les manœuvres qu’ils devaient accomplir, surveillés de très haut par de petits personnages cachés au sommet de la tour de contrôle. — On se croirait dans un zoo, a dit mon camarade. Je ne lui ai pas répondu, j’ai ...

L'escale

J'ai rencontré Rudy lors de son escale à Nice. Une escale très brève, il est arrivé un jour et il est reparti le lendemain. Il m'avait annoncé la date plusieurs semaines auparavant. Il m'avait dit qu'il passerait une seule nuit à Nice, à proximité de l'aéroport pour éviter les transports inutiles. Il avait ajouté que si je pouvais lui dénicher l'adresse d'un petit hôtel tranquille, à visage humain, situé dans les environs, il serait content d'éviter les Sheraton et Novotel qu'il voyait indiqués sur la carte. Et je lui avais indiqué l'hôtel Marilyn, avenue du Docteur Émile Roux, dont les photos sur le site internet l'avaient séduit. Il arriverait du Maroc en milieu d'après-midi et il repartirait pour Austin en fin de matinée, le jour suivant, ce qui nous laisserait une longue soirée à passer ensemble. Il m'avait demandé si la date me convenait, s'il me serait possible de le rejoindre à l'hôtel, et j'avais répondu que oui, b...