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Affichage des articles associés au libellé Fictions

Ceux d'ailleurs (3)

Chaque personnage porte un nom qui est connu en même temps qu’il apparaît. Il porte aussi, en même temps que son nom, une bribe d’histoire. Un épisode. Une circonstance. Pas forcément la même à chacune de ses apparitions. Ou même encore parfois une histoire qui se déroule sur une longue période mais qui alors (quand on le voit) se résume en quelques mots, et qui se raccorde ou ne se raccorde pas aux autres histoires qu’on connaît, qui nous sont révélées par les autres personnages. On regarde ces bribes d'abord comme les pièces d’un puzzle. Elles sont données en désordre et on voudrait croire qu’elles finiront par toutes s'emboîter pour faire un seul tableau, mais rien n’est moins sûr. Peut-être pas, après tout. Karim est l’ami de Daniel. On le sait aussitôt qu’on le voit. Il rencontre les autres dans les rues de Nice-Nord, mais on sait aussi qu’il a affaire à l’autre bout de la ville, dans le quartier du port où habite sa grand-mère. Celle-ci s’appelle Leila et elle habite dans...

Ceux d'ailleurs (2)

Et soudain, le ciel a été balayé, lessivé, c'était le matin, et à partir de ce jour ont commencé à m’apparaître ceux qui n’existaient pas. Aux nuits de pluies giboyeuses (René Char) succède, un beau matin, le bleu du printemps. Un bleu de lavande. Un bleu de toile de Nîmes délavée. Confondu à celui de la mer le long des plages. Comme s’il avait fallu que les dernières nuits de mars soient plus obscures encore que celles de l’hiver, que la terre y soit détrempée pour que sa profondeur se gonfle, se boursoufle de mottes, se soulève, se creuse, et que se raniment les vies grouillantes qui sommeillaient à l'intérieur. Qui rampent à présent, qui se tordent et s’enroulent, qui pointent sous la lune, qui bougent la queue, qui montrent un œil. Pour donner lieu soudain aux piaillements des oiseaux invisibles, au bleu des gentianes, au blanc des lys. Couinements de petits mammifères, hululements, battements d’ailes sous les branches. Craquements. Claquements, caquètements rythmés, siffl...

Ceux d'ailleurs (1)

J’ai su leurs noms en les voyant apparaître. L’un après l’autre, un jour après l’autre, pendant une courte période, c'était au printemps. J’en voyais apparaître un et aussitôt je savais son nom. Et je savais aussi qu’il n’apparaissait qu’à moi. Il serait faux de dire que je n'hésitais pas. Un instant je pouvais me demander s’il n’apparaissait qu’à moi, s’il existait vraiment, mais aussitôt qu’à son apparition s’ajoutait un nom — Quand ai-je su qu’ils se connaissaient — Je les apercevais dans la rue, au hasard des rues de mon quartier d’abord. La première qui me soit apparue c'était Cynthia. La jeune fille en jupe courte qui revenait du tennis club de Gorbella. Quand ai-je compris qu’ils formaient un groupe. Une troupe de petits comédiens. Le casting d'une histoire. Il y a eu un signe avant-coureur. C'était en mars, il pleuvait beaucoup. J’ai l’habitude de me réveiller au milieu de la nuit, et j’ai l’habitude de profiter de ce réveil pour sortir sur mon balcon. La ru...

Lived In Bars

Il est vrai que ces effets de transparences ou de superpositions me parlent, qu’elles marquent mes souvenirs les plus anciens qui restent pour moi les plus précieux. Je me souviens de m’être promené sur le boulevard Gambetta à la nuit tombée en reconstituant dans ma tête des strophes de La Chanson du mal-aimé , je devais avoir alors quinze ou seize ans. Je me souviens de m’être promené un jour de grand soleil près du carrefour Saint-Philippe où était mon lycée, en entendant dans ma tête la trompette de Miles Davis qui jouait Summertime . Je ne l’ai jamais si bien entendue. Si, il y a eu une autre fois, plus ancienne d’un an ou deux. C’était la nuit, j’habitais chez mes parents et ma chambre se trouvait au bout de l’appartement, tous deux étaient assis sur le canapé du salon, devant le poste de télévision, figés je les imagine à présent comme dans un double portrait de David Hockney, je suis passé dans le couloir et je me suis arrêté derrière eux, sur le seuil, le film qu’ils regardaien...

L'heure de Jazzafip

C’est un écrivain qui raconte cela, je ne sais plus lequel, je ne sais plus son nom, c'était à la radio, il disait qu’un soir il rend visite à sa mère qui est vieille et qui vit seule, et comme c’est l’heure du dîner, elle lui sert des harengs avec des pommes de terre, alors il mange ce qu’elle lui sert et il lui dit, tu n’as à manger que des harengs avec des pommes de terre, à quoi, un peu fâchée, elle répond, si tu m’avais prévenue de ta visite je t’aurais préparé autre chose mais tu ne l'as pas fait et lui alors, et je ne sais plus si c’est quelque chose qu’il dit à sa mère ou maintenant à la radio mais il proteste qu’il ne se plaignait pas pour lui mais qu’il s'inquiétait pour elle, comment pouvait-elle le comprendre autrement, comment pouvait-elle imaginer qu’il lui faisait le reproche d’avoir ainsi pour tout dîner en solitaire des harengs avec des pommes de terre bouillies et peut-être un bol de café au lait, comme s’il manquait de cœur, comme s’il n’eût pas été son f...

Fatalité (4 et fin)

[ Le père et le fils dans Les années d'après ] Fabien ne savait pas trop quoi faire de Nestor, non pas que l’enfant fût particulièrement difficile, juste un pré-adolescent boudeur, et quel autre que lui ne l’aurait pas été à sa place, mais parce qu’il se sentait coupable d’avoir quitté sa mère. Autant Fabien était un bon instituteur, aimé de ses élèves et des parents de ses élèves, plein d’autorité et de douceur, autant il était pour Nestor un père malheureux, empêtré, lamentable. Nestor continuait d’habiter à Nice, à la cité Aristote, tout seul avec sa mère, et Fabien en avait la garde un weekend sur deux ainsi qu’une semaine sur deux pendant les périodes de vacances scolaires, et quand c'était le weekend il descendait à Nice pour s’occuper de lui, tandis qu’il allait le chercher à Nice pour l’emmener à Guillaumes chaque fois qu’ils avaient davantage de temps à passer ensemble. Et à Nice, ils n’avaient nulle part où dormir, si ce n’était chez les parents de Fabien où Fabien a...

Fatalité (3)

Fabien était dans sa classe la nuit où les Russes ont effectué leur première offensive aérienne. Les premiers bombardements. C'était la troisième nuit qu’il dormait dans sa classe. Il avait quitté le domicile conjugal et, comme il ne savait pas où aller, il s'était dit qu’il pourrait dormir ici, sur l’estrade. Quand je lui demandais pourquoi il était parti, il ne me répondait pas, ou alors il disait:  — Ne cherche pas, c’est moi qui en ai décidé ainsi, c’est moi qui ai tous les torts. Il avait l’habitude de travailler dans sa classe, de corriger les cahiers de ses élèves, de préparer des cartes, de tracer des modèles, le soir, jusqu’à ce que l'école se vide. Ce premier soir, il est allé manger un steak-frites au self-service voisin, puis il est revenu dans les murs. Il avait apporté de chez lui un sac de couchage et il l’a déroulé sur l’estrade, au pied du tableau noir. Il avait apporté aussi une batterie externe pour recharger son téléphone. Il y avait quelques jours déjà ...

Fatalité (2)

Il n’y a rien d’extraordinaire à cela, pas besoin d’en référer aux théories de la physique quantique. Une histoire commence par la fin, bien sûr, dans tous les cas, qu’il s’agisse d’une histoire qui se déroule dans le monde réel ou d’une histoire inventée. Il faut qu’on connaisse la fin pour en démêler le début, qui n’est jamais d’ailleurs tout à fait le début. Il faut que d’autres évènements se soient produits avant, qui annonçaient la suite, pour conduire un beau jour à la fin qu’on connaît. Où git donc le début? Où s’enracine-t-il dans l’humus de la forêt, arrosé par une pluie fine et patiente? Impossible de le savoir. Pour autant, si on veut raconter, il faut bien commencer quelque part. Ce sera au moment où nous sommes nous-même entré dans le tableau à la place du témoin. Où les choses ont pris forme. Où ce qui était en germe est soudain apparu aux rayons de la lune maligne. Grande cigüe ou mandragore. Autre chose que je veux dire. Fabien et moi avons été amis. Il était arrivé à G...

Fatalité

J’avais souvent imaginé d’aller passer une année, quelques mois au moins, de l’automne au printemps, dans une ville que je ne connaîtrais pas, où je ne connaîtrais personne, et je n’imaginais pas alors une ville touristique, je n’avais que faire des musées et des églises, des jardins ornés de jets d’eau, avec des mares où nagent des canards et des cygnes, j’en avais assez vu de pareilles, je songeais plutôt à une sous-préfecture de Bourgogne ou de la Creuse. L'idée me venait, je crois, de films que j’avais vus quand j’étais jeune. Je ne saurais pas dire lesquels précisément mais ceux de la Nouvelle Vague, où on voit des intrigues se nouer entre la modiste et peut-être un notaire; la silhouette d’une femme qui marche, à la nuit tombée, sur une place déserte, emmitouflées dans son manteau, le col relevé qui cache son visage, les talons aiguilles qui claquent sur le trottoir; des villes où un crime a peut-être été commis dont un inspecteur venu d’ailleurs devra découvrir le coupable...

I’m just a lucky

Le moment n’est plus de se demander qui est de droite et qui est de gauche, mais qui soutient le réarmement économique et militaire de l’Europe et qui s'en tient au rôle de boulet. Voilà ce que Milot note, à la date du dimanche 2 mars, troisième jour après la rencontre explosive, dans le Bureau ovale, entre Volodymyr Zelensky et Donald Trump appuyé par le vice-président JD Vance.  À la même date, il note aussi: Le jardin Thiole est entouré de grilles, et je me doutais bien qu'un dimanche soir celles-ci seraient fermées. Mais il y a une allée étroite et sombre qui permet de contourner le jardin, que je comptais emprunter. Et, en arrivant à cet endroit, j’ai vu que ce passage était fermé, lui aussi, par une grille équipée d’un cadenas, ce qui m’obligeait à faire un détour par l’avenue Villermont. Et d’abord je me suis demandé si j’aurais la force de faire ce détour. Je revenais à pied de la brasserie Gaglio, sur l’avenue Jean Jaurès, j’avais traversé à pied une grande partie de...

L'église

J'étais parti trop loin. Après, il fallait revenir. Le pire, je n'étais plus tout à fait sûr de l’adresse de mon hôtel, ni même de son nom. J’avais dîné dans une taverne au plafond voûté. La lumière était insuffisante. Je voyais mal ce qu’il y avait dans mon assiette. Après, j’ai voulu marcher pour digérer ce repas trop lourd, et c'est ainsi que je me suis perdu. J'ai rencontré une fête foraine. Dans toutes les villes où je me suis perdu, je rencontrais les mêmes décors. C’étaient chaque fois des villes différentes mais les décors étaient toujours les mêmes. Avez-vous remarqué que, dans une ville, les tramways sont tous pareils, ce qui vous donne l’impression qu'il n'y en a qu’un, que c’est toujours le même? Quand il passe devant vous, il ne va pas très vite. Une allure de père tranquille. Les habitacles qui défilent dans la nuit n’abritent que de rares passagers qui somnolent. Et dans ce cas comment se peut-il que le même véhicule soit partout à la fois? J’ai ...

La honte (4)

Quand Bertrand et Walid se retrouvent devant la gare, déjà à la nuit tombée, quand Bertrand l’embarque dans sa voiture et qu’ils s’en vont ensemble, je ne sais pas où ils auraient pu aller ailleurs que là où ils sont allés. Bien sûr, c'était joué. Je ne sais pas ce que Walid lui aura dit pendant la brève conversation qu’ils ont eue, la veille au soir, au téléphone, quelque chose comme: “J’ai un couple d’amis qui peut m’accueillir chez eux, à Contes ou à Sospel. Un garçon que j’ai connu, qui s’est rangé. Si tu peux me conduire là-bas. Ensuite, je ne vous embêterai plus, mais sur la route tu me donneras des nouvelles des autres”. Et Bertrand, de son côté, a-t-il pu le croire une seule seconde? D’abord, quand il lui a parlé au téléphone, et encore quand il est monté dans la voiture, Walid n’a pas fait mention de leur destination réelle. De là où il le conduisait. C’est ensuite seulement, au tout dernier moment, comme ils traversaient le quartier de Bon Voyage et qu’ils s'apprêtaie...

La honte (3)

— Il prend la voiture de son père. Pourquoi? J’imagine que la vôtre était au parking?  — Il m’a dit que son père était malade. Qu’il l’avait appelé, qu’il avait besoin de lui. C'est le prétexte qu’il a trouvé. Et il est parti sur sa moto. — Vous l’avez cru? — Bertrand n’avait pas passé une seule nuit chez son père depuis bien longtemps. Mais pourquoi pas? Il ne m’avait jamais menti. Il a fallu cette fois. Et ce n'était pas pour retrouver une fille. — Entendu. Je comprends. Mais remontons quelques heures en arrière. Vous quittez votre bureau de l’avenue Thiers à six heures, vous revenez en tramway, et vous allez d’abord récupérer votre enfant chez votre mère, comme chaque soir. — Ma mère va chercher Paul à la sortie de l'école. S’il fait beau, ils vont goûter au jardin, puis elle le ramène chez elle. La vie n’est pas gaie à la maison, ma mère a besoin de moi, de cette visite que je lui fais chaque jour, Inès aussi. — Vous ne me parlez pas de votre autre frère. — Sofiane ne m...

La honte (2)

Amina occupe un poste important à la Mission locale. Au moment des faits, Hélène Barot, sa directrice, est à deux ans de la retraite, et elle compte bien qu’Amina lui succède à ce poste. Elle ne tarit pas d'éloges, la concernant. Elle dit que c’est la fille qu’elle aurait voulu avoir si elle s’était mariée et qu’elle avait eu un enfant. Voilà ce que dit le rapport. Bertrand, le mari d’Amina, est instituteur. Ils habitent ensemble dans le quartier des Moulins où ils ont grandi et où ils se sont connus quand ils étaient très jeunes. Les Moulins est, dans la banlieue de Nice, un “quartier sensible”, on dit aussi un “quartier prioritaire”. L’affaire s’ancre dans le quartier des Moulins, c’est là que tout commence, que tout se noue, tandis que l’épilogue nocturne se situe, dix ans plus tard, dans un autre quartier sensible, tout à fait à l’opposé de la ville, celui dit des Liserons. La famille Slimani a été pour Bertrand une seconde famille, peut-être sa vraie famille. Sa mère est mort...

La honte

— Qu’est-ce qu’il allait faire là-bas? Pourquoi l'a-t-il accompagné? — Parce que c'était mon frère. — Je sais. Nous le savons. Et nous savons aussi que votre mari avait reçu un appel de lui la veille au soir. Un échange très bref, qu’il vous cache, dites-vous. Qu’il prend soin de vous cacher. Sans qu’avant cela, il y en ait eu un seul autre depuis trois ans. — Si je l’avais su, vous pouvez croire qu’il ne serait pas ressorti, cette nuit-là. Vous pensez que je mens? — Bien sûr que non. Mais j’essaie de comprendre. Vous êtes sans nouvelles de votre frère depuis trois ans. Et puis, un beau soir, celui-ci appelle votre mari, ils ont un échange très bref, et le lendemain soir, sans qu’il vous en dise rien, votre mari l’accompagne à ce rendez-vous, dont l’un ni l’autre ne devaient revenir. Pourquoi, selon vous? — Parce que Walid était mon frère. Et parce que Walid et Bertrand se connaissaient depuis les années de collège. Et que c'était par lui, par Walid, que nous nous sommes re...

Vampire

Assez vite je me suis rendu compte qu’elles avaient peur de moi. Les infirmières, les filles de salle, les religieuses, mais aussi les médecins. Quand soudain, elles me rencontraient dans un couloir. L’hôpital est vaste comme une ville, composé de plusieurs bâtiments séparés par des jardins humides, avec des pigeons, des statues de marbre, des fontaines gelées, des bancs où des éclopés viennent s’asseoir, leurs canes ou leurs béquilles entre les genoux, pour fumer des cigarettes avec ce qui leur reste de bouche et, la nuit, les couloirs sont déserts. Alors, quand elles me rencontraient, quand elles m’apercevaient de loin, au détour d’un couloir. Elles ne criaient pas, je ne peux pas dire qu’elles aient jamais crié, mais aussitôt elles faisaient demi-tour, ou comme si le film s'était soudain déroulé à l’envers. Elles disparaissaient au détour du couloir. Je me souviens de leurs signes de croix, de l'éclat des blouses blanches sur leurs jambes nues. Du claquement de leurs pas sur...

Pourquoi Bob Dylan ?

Les petites filles bien sages auxquelles elles ne voulaient pas ressembler étaient, dans ces années-là, de futures mères de famille jalouses et exigeantes, elles se préparaient à trouver un mari et à faire ce métier, comme nous autres garçons devions nous préparer à devenir leur mari et le père de leurs enfants, et je ne sais pas qui d’elles ou de nous étaient les plus contraints et les plus angoissés. Hier, j’ai revu A Complete Unknown avec une amie et, en sortant du cinéma, cette amie m’a demandé ce qui m’avait tellement marqué chez Bob Dylan lorsque j'étais adolescent, tellement impressionné. Et d’abord, je n’ai pas su lui répondre, mais plus tard dans la soirée, je lui ai dit que c'était parce qu’il nous offrait une image de la masculinité à laquelle je pouvais adhérer. Lorsque j’avais seize ans, il y avait autour de nous beaucoup de chantiers, avec des grues, des bétonneuses et des dalles de béton hérissées de tiges d’acier, il y avait les trajets de Nice à Paris qu’on pa...

Au rendez-vous d'Alice

La manière dont le soleil d’hiver entre dans l’appartement, un dimanche, par la fenêtre grand ouverte sur le balcon, quand il le fait en personne, avec ses façons royales, semblant dire, Vous me voyez, c’est moi, le seul, le vrai et pas un autre, mais aussi par les fleurs et les fruits que vous avez rapportés du marché. L'éclat du soleil dans lequel, en principe, il ne croyait pas trop, mais qui soudain s’impose. Celui du mimosa qui allumait, sur le cours Saleya, des incendies inversées. Avec le hasard qui a voulu que, ce matin, je relise sur mon téléphone, en courant au rendez-vous que j’avais avec la fillette devenue maman, les premières pages d’ Alice au pays des merveilles , où le soleil n’est pas le même puisque, dans l’histoire, c’est celui de la chaleur écrasante de l'été, mais où on rencontre, aussitôt qu’on a fait connaissance avec elle, le lapin qui craint d'être en retard et qui tire de son gilet une montre à gousset. Toutes les Chroniques sur  Librairie

Apparitions

À partir de quand a-t-il habité Nice? D’où venait-il? À quel âge, à la suite de quel événement avait-il choisi d’habiter ici? Le matin, il descendait sur la Promenade des Anglais, c'était devenu une silhouette familière, on le voyait chaque matin, de septembre au début de l'été, après on ne le voyait plus, quand il faisait trop chaud et qu’il y avait trop de touristes, il disparaissait, certains disaient l'avoir aperçu ici ou là dans la montagne de l'arrière-pays, il se retirait dans la montagne de l’arrière-pays quand il faisait trop chaud, qu’il y avait trop de lumière, s'établir à Nice, ce n'était pas s’y retirer, c'était au contraire s’avancer jusqu’au bord de la mer, jusqu’où il était impossible d’aller plus loin en direction de l’Afrique, mais ensuite, quand il faisait trop chaud et que la lumière vous aveuglait, quand la foule des touristes était trop nombreuse, il se retirait dans la montagne. Certains racontent l’y avoir aperçu, certains disent même...

La fête

Nous avons marché dans la nuit, d’abord sur la route, ensuite dans un champ, avec les lumières et les bruits de la fête devant nous. J'étais fatigué, j’avais sommeil, j'étais déjà à moitié endormi et je marchais quand même en tenant la main de maman. D’habitude, à cette heure, j'étais couché, tandis que ce soir-là, après dîner, nous étions partis tous les trois pour la fête dont les baraques avaient été installées assez loin, à la sortie du village, je ne sais plus si nous disions le village ou la cité. Et de la fête, je n’ai aucun souvenir, encore moins de notre retour. Au retour, je devais dormir, il a bien fallu que Rémy me porte, mais peut-être que je dormais déjà dans les allées de la fête, malgré le bruit des manèges et des rires, couché n’importe où. Enfant, lorsque j’avais sommeil, je pouvais m’endormir n’importe où, le bruit ne me dérangeait pas. Quand nous étions invités chez des gens, maman et moi, il suffisait de me trouver un lit sur lequel étaient entassés les...