Les choses étaient-elles aussi claires quand je les ai vécues, ou quand je me suis imaginé les vivre? Certainement pas. Les soirs tombaient vite. Je serais incapable de reconstituer l'emploi du temps d’une seule journée de ma vie réelle durant cette période. Je marchais, je parcourais la ville dans tous les sens en écoutant de la musique sur mon casque, comme l’oncle Pierre , ma mère aurait dit “Il marche comme s’il savait où il va”, et ici et là j’imaginais des scènes, j’avais des visions. Elles étaient plutôt agréables, presque toujours agréables, c’est là le point, comme aurait dit Pascal. J'étais malheureux, bien sûr, au fond du trou, et les visions que j’avais étaient rien moins que paradisiaques, mais elles ne m’effrayaient pas, elles ne m’affligeaient pas, plutôt elles me charmaient. Raison pour laquelle je ne voudrais pas les perdre. Tout un petit peuple de personnages venus à mon secours. Pour me distraire. Pour me faire découvrir l’envers du décor de ce que j'étai...
Christian Jacomino