13.
Quand nous sortions du lycée, il y avait devant nous les terrains de tennis. Nous entendions le bruit mat des balles qui résonnait sous le ciel bleu, un bruit très différent de celui des ballons de football, beaucoup plus chic, qui s'accordait avec les silhouettes des pins et des palmiers. Nous savions que Marceau devait se trouver là, quelque part derrière les haies de cyprès, sur la terre rouge qui crissait sous les pieds, occupé à échanger des balles avec des adversaires plus forts que lui. Il le faisait avec une adresse qui paraissait miraculeuse. Marceau avait quelques années de plus que nous mais il était demeuré un enfant, ou un adolescent en dépit de sa taille et de son âge, raison pour laquelle il se plaisait en notre compagnie. Les autres étaient des gens importants qui ne faisaient pas grand cas de lui, qui ne lui parlaient pas, qui évitaient de croiser son regard, qui nous paraissaient grossiers de l'endroit où nous étions pour les voir, en haut des escaliers par où on accédait au club. Marceau n'était pas quelqu'un de leur rang, il n'avait femme ni enfant, pas de voiture puissante ni de villa avec piscine sur les collines environnantes, pas de maîtresse ni la moindre petite amie, mais il s'accommodait de leurs manières, il ne semblait pas les remarquer. Il se contentait de renvoyer les balles sans se soucier de compter les points, sans mettre de malice ni de violence dans son jeu. La victoire ou la défaite ne lui importaient pas, elles ne faisaient pas partie de ce qui pouvait se passer dans sa tête, qui restait mystérieux. Puis, quand la partie était finie, qu'il avait pris une douche, il ne retournait pas à son bureau où l'auraient attendu un téléphone et une secrétaire, il s'en allait marcher au hasard des rues, toujours vêtu de blanc, avec sa raquette sous le bras, si bien qu'il arrivait souvent que nous le rencontrions dans le quartier du Parc Impérial, ou même parfois dans d'autres endroits de la ville, et chaque fois nous nous arrêtions pour lui parler, et Marceau se montrait alors capable d'appeler chacun de nous par son prénom, de nous demander des nouvelles de nos professeurs et même des autres membres de notre famille. Vous avez fait vos devoirs, disait-il, vous avez bientôt fini de traîner dans les rues, comme s'il avait été réellement notre aîné, comme s'il avait pu se sentir responsable de nous. Et lui, que faisait-il, toujours tout seul, à arpenter des boulevards déserts à la tombée de la nuit.
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