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lundi 4 décembre 2023
Le monde a du bon
Les touristes descendus du car, au fin fond des montagnes himalayennes, sont groupés sur des gradins de bois, en plein air et en plein vent, sous des nuages gris. Ils regardent de petits chevaux caparaçonnés qui tournent sans passion sur une carrière boueuse. Mais attendons la fin! À l’heure dite, de gros nuages crèvent au-dessus de leurs têtes, ils sont arrosés d’une averse plutôt fraîche dont ils s’abritent comme ils peuvent, avec des parapluies, avec des journaux, sans quitter leurs places, curieux qu’ils sont du spectacle promis. Car voici que les chevaux se mettent à danser. La pluie les fait danser. C’est un prodige qui ne se produit qu’ici, chaque jour, à la même heure de l’après-midi, danser et même rire sous la pluie, en retroussant leurs lèvres sur leurs dents de chevaux, et chanter!
mercredi 29 novembre 2023
Structuralisme
J’ai compris que mon séjour se passerait
dans la banlieue. Une voiture m’attendait à la gare.
Piotr assis à l’avant,
il donnait des ordres au conducteur.
Nous parlons en nous regardant dans le rétroviseur.
Nous traversons des quartiers anciens,
places monumentales que je reconnais
pour les avoir vues en photos. Il neige,
il se mit à neiger. Les ailes blanches des oiseaux
battaient dans le ciel des boulevards.
Des nuages noirs emplissent le ciel où flottent des ballons qu’on voit pilotés par des êtres appartenant à plusieurs espèces animales.
Échanges de tirs au laser.
Plutôt rituels. La nuit vient trop vite.
La banlieue, au contraire, apparaît dans un pâle
soleil d’hiver. Ma chambre au premier étage
ouvre sur une esplanade où s’est installé un cirque.
Je découvre, sous ma fenêtre, ses caravanes
peintes de couleurs vives. Je respire l’odeur
des fauves, je les entends se plaindre
dans la nuit, raconter leurs histoires.
Occupé la plupart du temps à jouer aux échecs
avec des inconnus dans un café où je prends
mes repas. Puis, les cours de linguistique
que je donne dans une salle des festins
équipée d’un tableau noir. Mes étudiants gardent la tête baissée sur les cahiers où ils écrivent. Je ne connais pas leurs noms, ni le son de leurs voix. Je ne suis pas certain de leur compréhension. Ils repartent
en tramway. Ils regagnent les écoles où ils enseignent à lire à des enfants. Certains, arrivés au port, s’embarquent pour leurs lointains pays. De celui qui était le plus timide mais aussi le plus studieux, nous apprendrons qu’il a participé aux émeutes qui ont entraîné la chute de l’ancien président, et qu’il occupe un poste important auprès de celui qui l’a remplacé.
samedi 25 novembre 2023
Fuite
À quoi rêvais-je quand la pluie
fut la plus forte? Étais-je assis dans un fauteuil
devant mes livres ou à courir sous les fougères, zigzagant entre les gouttes
parmi des rats dont l'un plus gros que j'attrapai par la queue
pour qu'il m'entraîne? Et le conte prévoit-il
que le jour enfin revienne?
Je quitte la forêt
pour m'avancer dans la cour
déserte d'une ferme.
Quand l’on a faim et soif, quelqu'un apparaît, sans visage, et vous montre un puits.
Tapisserie
Lorsque j’étais le cerf que l’on chasse, mes bois heurtaient les branches les plus basses des arbres, mon cœur battait si fort,
Pas de rivière où enfin l’on s’arrête, où l’on se mire, où l’on boit, seulement les aboiements des chiens qui accourent, que j’entends sans les voir à cause des feuillages des taillis épais,
Une rivière soudain qui m’arrêtait et je restais sur la berge à haleter, à écouter le son du cor, les aboiements des chiens qui bavent,
Qui franchissent en courant l’obstacle d’un arbre couché, viennent à leur suite les cavaliers vêtus de rouge qui sonnent du cor,
Linceul de sueur sur tout mon corps qui haletait et je restais derrière les arbres,
Un rayon de soleil oblique perce les feuillages,
Mon regard s’embuait, grelottant du froid qui montait de la rivière, mes yeux fendus baignés de larmes.
Une attraction de foire
Son art, si art il y avait, n'avait
rien à voir avec la Poésie, plutôt avec la Passion
d'apparaître et disparaître lui-même tout entier.
Une attraction de foire qu'il exerça dans les foires
des villes d'Europe où il accompagnait
la famille qui l'avait recueilli dès l'enfance,
souvent dans de pauvres Villages où
ils parvenaient à la nuit tombée, grelottant
sous une pluie qui n'avait pas cessé depuis
des nuits et des jours (leur caravane
sentait le Chien mouillé, une gouttière se formait
au bout de leurs chapeaux), mais quelquefois aussi
sur les scènes les plus prestigieuses (les mieux
éclairées) de Londres ou Copenhague. Un destin
qui le faisait se replier comme un pantin
dans des coffres, se pendre dans des portants
de costumes bariolés. Qui le faisait éternuer.
À cause du fard à joues. Et jouer de la
guitare et chanter comme on fait en Italie.
Combien de langues au juste savait-il parler?
De combien d'instruments de musique pouvait-il
jouer? Et ces tours connus de lui seul qui le rendaient
invisible dans les miroirs. Ces chaînes
au fond des bassins où il manqua se noyer.
vendredi 24 novembre 2023
Neige et sable
J’ai suivi la berge du torrent dans les éclats de pierre, la neige puis le sable encore. La montagne dominait ma course. Le jardinier habite les allées, le serpent reste caché, les oiseaux immobiles sur les branches basses.
La ville est à l’embouchure du fleuve, au soleil maintenant. Dans la neige et le roc, l’eau qui surgit écumeuse, cascade vers la plaine.
Je souris au visiteur. Des jeunes gens se promènent dans les jardins qui dominent la ville. Tu te promènes l’après-midi dans les jardins qui dominent la ville. Tu t’inquiètes de la sécheresse, de l’état des cultures, je te réponds de mon mieux. Je te montre les fruits qui alourdissent les branches, le bassin d’arrosage, les canaux d’irrigation. Le soir nous trouve assis contre le mur de la maison.
L'orangeraie se situe dans la vallée qui s'étend derrière la ville, plusieurs kilomètres en amont. Le jardinier habite une cabane de pisé, au cœur de l'orangeraie.
On m’avait parlé de lui, de ce qu’il pouvait savoir sur l’affaire en question. Je suis allé le rencontrer. Je l’ai interrogé. Je n’ai pas fait de photos, mon magnétophone est resté dans sa sacoche. Je lui ai offert une cigarette. Nous avons fumé, assis sur un banc, contre le mur de sa maison.
Tout le jour durant, il circule dans l’ombre, sous les arbres du verger (le bruit de l’eau dans les rigoles, un serpent). Il regarde au soleil la montagne enneigée. Il voit par l'esprit la plaine qui se déroule, la route des marchands.
(1974)
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