J’ai travaillé sans relâche durant les quatre jours qui ont suivi sans arriver à rien. J’ai commencé par demander à George, qui nous servait d'intermédiaire, de me faire parvenir le texte de la chanson du rappeur. Encore qu’elle était en français, à l'écoute, je ne comprenais pas une parole sur dix. À l'écrit, j’ai pu en comprendre trois, peut-être quatre, mais cela n'était pas suffisant pour me tirer d’affaire. L’univers évoqué était trop loin de moi, de mes goûts, de ce que je savais du monde, de ce que j’aimais de la vie, et tous les concepts graphiques que j’essayais tour à tour, je devais me rendre à l’évidence qu’ils n'étaient que des copies de ce que d’autres avaient fait et continuaient de faire ailleurs, avec plus de conviction et de sincérité. Si bien que j’ai renoncé. Paul et George avaient eu l’amabilité de s’adresser à moi, puis de me confirmer leur commande. Je devais, de mon côté, avoir celle de ne pas leur fournir une proposition médiocre, qu’ils dev...
La dernière mention du nom de Gisèle remontait à six ans. De nouveau, la note était succincte, mais on pouvait comprendre que Mme Simonin avait été informée par l’une de ses élèves qu’un jeune homme était arrivé au village, qu’on ne connaissait pas, qui semblait être là pour Gisèle et que celle-ci présentait comme son cousin. Un garçon très brun et maigre comme un clou. L’œil noir. Gisèle semblait heureuse de sa compagnie. Il l'attendait à la sortie du lycée, ils marchaient ensemble dans les rues, ils s’attardaient dans les jardins. L’indication selon laquelle “On ne sait pas où il dort” était soulignée au crayon rouge, un gros crayon à double pointe, rouge et bleue, dont Mme Simonin se servait pour annoter les partitions. Et puis, plus rien. Rien à propos de Gisèle, ni non plus à propos de ses élèves, de sa maison, de son jardin, seulement l’expression vague de quelques soucis de santé — “Je perds la mémoire”, “Il faut que je change de lunettes”, “Le sol s’est dérobé sous mes pied...