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Affichage des articles associés au libellé Marges

Des histoires

Les histoires font tenir ensemble, dans une chaîne de positions successives, des éléments (des personnages, des lieux, des faits) hétéroclites, qui contrastent ensemble comme les syntagmes dans la chaîne parlée. La force d’une histoire procède de la tension entre l'hétérocité des éléments qui la composent et l’unité qui les rassemble. Plus les éléments contrastent, plus elle est fidèle aux hasards de la vie. Il faut pour autant que la chaîne ne vienne pas à se rompre, que l’histoire garde son unité, que la vie continue. Pour que les éléments continuent de contraster poétiquement, il faut qu’ils s’inscrivent dans l’unité et la linéarité d’une chaîne. Sans quoi, ce contraste lui-même n’existerait plus. Les histoires donnent un sens à ce qui n’en avait pas -- pas une signification, juste un sens, comme le sens de la rivière que l'on suit, dans lequel on peut se laisser entraîner. Et ce sens est d’autant plus précieux que les éléments qui les composent paraissent a priori incompati...

La gloire de Robert Louis Stevenson

“À cette époque, je voyageais avec une petite charrette bâchée, une tente et un réchaud, cheminant tout le jour à côté du chariot et, la nuit, chaque fois que c’était possible, campant comme un romanichel dans un creux au milieu des collines, ou à la lisière des bois.” Le pavillon dans les dunes , dans la dimension de la nouvelle ou du court roman, regorge de mystères. Le narrateur, un certain Frank Cassilis, s’y présente lui-même, dès la première phrase, comme un grand solitaire en même temps qu’un vagabond, qui vit sur les routes, et même de préférence en dehors des routes, sur des chemins de campagne. Il dit :  “… je n’avais ni amis ni famille (…) et n’avais d’autre adresse que l’étude de mon notaire, où j’allais, deux fois par an, toucher ma rente. Cette vie suffisait à mon bonheur; et rien ne me plaisait comme la perspective de vieillir sur les routes et de finir mes jours dans un fossé” .  Ce thème du voyage solitaire fait écho pour nous, aujourd’hui, à la double fugue q...

Proust, Lacan et Wim Wenders

Marcel Proust, dans les toutes premières pages de la   Recherche , écrit: "Un homme qui dort tient en cercle autour de lui le fil des heures, l’ordre des années et des mondes." En quoi j'entends que tout ce qui a appartenu aux années et aux mondes qu'il a traversés dans sa vie, se trouve, dans son sommeil, à égale distance de lui. Dans le souvenir que je garde d’une fiction narrative (roman, nouvelle ou film), les faits relatés apparaissent en désordre — ni dans l’ordre où ils se sont produits (dans l’histoire), ni dans celui où ils ont été racontés (dans le récit). Et cela n'a rien d'extraordinaire puisqu'il en va de même pour les souvenirs que je garde de ma propre existence. Non pas que je ne sache plus que cette image (photographie ou image mentale) que je garde d'une personne soit plus ancienne ou plus récente que telle autre, mais parce que l'image plus ancienne n'en a pas pour autant moins d'éclat, elle ne me revient pas nécessaireme...