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Affichage des articles associés au libellé Marges

Sept slogans

Soyez indulgent envers les autres et envers vous-même! Éloignez-vous de tout discours viriliste de radicalité! Soyez sceptique! Réservez-vous pour les combats qui en valent la peine et que vous avez une chance de remporter! Évitez la dispute! Ne vous justifiez pas! Faites! Ne réfléchissez pas trop! Il y aura plus dans ce que vous ferez!

À propos de Donald Trump

Chers amis,  Il faudra que nous parlions aussi, tout de même, de la passion inverse, qui consiste à ne pas croire, de la passion de ceux qui refusent de croire, même pas à ce que dit la "science", mais plus simplement à ce que disent certains parmi nous qui ont travaillé la question, qui y ont consacré leurs vies, et qui en savent plus que nous, par exemple sur l'économie, sur l'efficacité des vaccins ou sur le dérèglement climatique. Je pense bien sûr à tous les complotismes, d'extrême droite et d'extrême gauche, et à ce que nous voyons avec l'investiture de Donald Trump. Et que Trump se réclame de Dieu pour affirmer qu'il ne croit pas ne change rien.

Blue Moon

Le critique de jazz qui choisit les titres, ce soir, pour le Club Jazzafip (je ne retrouve pas pas son nom sur le site mais je le retrouverai) dit que cette chanson d'Elvis Presley était l'un des titres préférés de David Lynch. Et, à propos d'un autre titre qu'il avait choisi ce soir, il a employé l'adjectif "dangereux". Il a dit quelque chose comme "C'est beau, c'est presque dangereux." Je n'avais jamais entendu ce mot employé à propos d'une musique ou d'un film. Peut-être parce que je suis un peu malade, il me semble très juste. 

David Lynch est mort

David Lynch est mort. Je l’apprends ce soir. Angelo Badalamenti est mort il y a à peine plus d’un an. David ne lui aura pas survécu bien longtemps. Dans les moments les plus difficiles, il y a bientôt cinq ans, c’est grâce à ses films que j’ai survécu, hors la vigilance de mes enfants, et avec l’opus Only Lovers Left Alive de Jim Jarmusch. Et avec la musique que j'écoutais dans la rue, en marchant sans fin, dans tous les sens. Aujourd'hui, depuis des jours, Los Angeles est en flammes. Je continuerai, tant que je pourrai, d'écrire des petits romans d’aventures.

Thanks to Leonard Bernstein

La première fois que je suis allé à Paris avec mes parents, je devais avoir douze ans. Notre hôtel était tout près des Champs Elysées. Et je me souviens de deux choses: 1) Je lisais une biographie de Van Gogh. 2) Nous sommes allés voir West Side Story dans un cinéma des Champs Elysées. "I like to be in America / Okay, buy me in America..." Trente ans plus tard, nous chantions cela dans la voiture, avec nos enfants.  America great again! Qu'en dirait aujourd'hui Donald Trump?

Quand on meurt

Ludwig Wittgenstein, à l'ouverture de ses Leçons sur la croyance religieuse , cite un général autrichien qui dit à un interlocuteur: “Je penserai à vous après ma mort, si toutefois cela est possible."  Cette idée paraît bien étrange. Écartons-la pour l'instant. Ou modulons-la d'une manière qui pourra paraître plus raisonnable. Le même général aurait pu dire: "Au moment de mourir, je penserai à vous." On peut imaginer une liste qu'il consigne dans un carnet, pourquoi pas sur son téléphone, de choses qu'il devra faire quand la mort paraîtra la plus proche, si tant est qu'elle veut bien s'annoncer: de musiques qu'il pourra écouter, d'un film qu'il voudra revoir, d'un poème qu'il redira dans sa tête, et bien sûr de personnes dont il voudra se souvenir, et qui ainsi l'accompagneront dans la mort, en lui rendant le passage plus doux. Cette idée me paraît en effet plus réaliste. Je la partage assez. J'ai confiance en elle ...

Noël

Chrétien que je suis, si j'en avais l'énergie, j'essaierais d'expliquer en quoi Noël me paraît plus important que Pâques. Quoi qu'on en dise. Tolstoï et Wittgenstein me serviraient de guides.

Un nouveau gouvernement

Je le trouvais pas mal, ce nouveau gouvernement. Mais, en fait, Éric Coquerel dit que non, que c'est une insulte faite au Français. Des fois, on se fait insulter et on ne s'en rend pas compte. Heureusement qu'il y a des gens comme Éric Coquerel pour nous le faire remarquer. Sinon, on mourrait idiot. Qu'est-ce qui fait que les gens qui protestent ont toujours raison? Ceux qui se plaignent, ceux qui se révoltent. Quand les plus humbles se félicitent que ce ne soit pas pire. Tâchent comme ils peuvent que ce ne soit pas pire. Quand en aurons-nous fini avec cela?

Valeur des œuvres d'art

En quoi consiste la valeur d'une œuvre d'art? Pour répondre à cette question, je propose le schéma suivant qui distingue 3 points de vue différents: V1 - Valeur d'usage V2 - Valeur de témoignage V3 - Valeur de modèle V1 - Valeur d'usage . Elle tient à l'usage que l'amateur peut faire de l'œuvre dans l'ignorance, ou sans considération de la personne qui l'a produite, ni des conditions dans lesquelles elle l'a fait. Cet usage peut être hasardeux, très occasionnel, mais il peut être aussi très assidu et, dans les deux cas, provoquer de puissantes émotions. Ainsi, pour des raisons intimes, une simple chanson peut occuper une place importante dans notre vie, sans que, pour autant, nous nous soucions de savoir qui en a écrit les paroles ni composé la musique. Cette valeur d'usage est très subjective. Elle tient exclusivement à la sensibilité du récepteur (celle qu'il montre aux thèmes, au climat, au genre illustrés par l'artiste), ainsi qu...

Syriens et Pieds-noirs

Après la chute de Bachar el-Assad, les médias parlent de l’espoir qui anime des millions de Syriens, exilés partout dans le monde, de pouvoir enfin regagner leur pays. En apprenant cela, mon père aurait dit: Anch’io! Je ne me souviens pas, en effet, qu’à propos des Français d’Algérie, on ait jamais parlé de migrants, d’exilés, de réfugiés politiques. Ils n’ont jamais eu droit à ces mots par lesquels on aurait signifié, à défaut d’une franche solidarité, un peu de sympathie.

Gauche et droite

Le discours du capitalisme consiste à vous dire que, si vous avez une jolie voiture, il serait bien pour vous d'en acheter une plus récente, plus perfectionnée et plus chère. Évidemment, ce discours, on n'est pas obligé de le croire. Mais cela ne signifie pas pour autant que le capitalisme, en tant que système économique, soit à condamner. Il faudrait pour cela qu'il en existe un autre qui soit plus efficace et plus juste, ce qui ne s'est jamais vu. Et aussi longtemps que le capitalisme continuera de fonctionner en tant que système économique, le discours du capitalisme continuera de se faire entendre. Alors, que faire? La réponse me paraît claire. En face du discours du capitalisme, nous avons besoin d'un discours qui le contrebalance. Le discours du capitalisme consiste à confondre le prix et la valeur. Nous avons donc besoin d'un discours qui ne les confonde pas. Qui les dissocie, au contraire, sans nécessairement les opposer. Et c'est en cela, me semble-...

Delphine Horvilleur au CUM

L'amphi du CUM était bourré. J'achète un livre de Delphine H. et je vais vers elle, dans une longue file, pour qu'elle me le dédicace. Elle me demande à quel nom. Je lui dis mon prénom. Elle sourit. Je lui dis alors: "Oui, un goy!" Elle me répond en souriant encore: "Vous devez bien être deux ou trois dans la salle."

Après l’école

Nous aurions avantage, me semble-t-il, à accorder une place beaucoup plus importante aux pratiques amateures de l'art, celles d'abord du théâtre, de la danse et de la musique. Et, par conséquent, beaucoup plus d'argent aussi. Comment ne pas souhaiter que les élèves de nos établissements scolaires quittent l'école (ou le collège, ou le lycée) tous les jours après trois heures de l'après-midi, ou même avant, pour se consacrer à des activités qui ne leur seront pas imposées mais qu'ils auront choisies? Pour faire du théâtre avec des comédiens, de la danse avec des danseurs et de la musique avec des musiciens? Ou, aussi bien, des arts visuels avec des plasticiens, et de l'écriture créative avec des auteurs. Il me semble que Franz Kafka aurait été de mon avis, et qu'Ariane Mnouchkine le serait aussi. On s'épuise à vouloir que les jeunes aillent au théâtre, au concert, au ballet. Et on se plaint de ce qu'ils ne montrent pas beaucoup d'enthousiasm...

Double vie

La vieillesse a sur moi un effet surprenant: celui de dédoubler mon existence. J’avais une vie, j'étais tout entier occupé par la vie que j’avais, puis je suis entré dans un temps qui est celui de la retraite, où je ne suis plus tenu par grand-chose. Et alors, je me souviens de ce que j’ai été, de ce que j’ai fait avec les personnes que j’ai aimées. Mais bizarrement, je me souviens aussi de ce que je n’ai pas été mais que j’aurais pu être, que j’ai rêvé de devenir quand j’avais seize ans. De ce que j’avais le désir et peut-être le talent de devenir et que les hasards de la vie (au moins une rencontre) ont fait que je ne suis pas devenu. Et bizarrement encore, je n’éprouve pas de nostalgie, encore moins de regret, pour la bonne raison que celui que je n’ai pas été a autant d’existence pour moi aujourd'hui, autant d’épaisseur, ou pas moins que celui que j’ai été et que, de toute façon, je ne suis plus. Mon existence a désormais son double. Tout se passe comme si j'étais hanté...

L'école de la langue (2)

Ma note intitulée L'école de la langue date du 17 mai dernier. Alain Courbis m’invite aujourd'hui à échanger à son propos avec un groupe du CIEN. Je la relis et j’y réfléchis à cette occasion.  Il me semble, avec le recul, que la seule réserve qu'on soit tenté de faire face à ce texte tient au fait qu'une langue évolue. Le français que nous parlons et écrivons aujourd'hui n’est plus celui d’hier. Ce fait relève de l'évidence. Et tout de suite nous vient à l’esprit la question de savoir si le français que nous parlons aujourd'hui est plus ou moins riche, et plus ou moins performant, que le français d’hier. Certains spécialistes n’hésitent pas à parler d’appauvrissement, d’autres refusent ce diagnostic en les traitant de réactionnaires. Pour ma part, je serais tenté de dire que cette question n’a pas de sens. Il me paraît évident que nous parlons et écrivons aujourd'hui la langue dont nous avons besoin. Mais je parle ici, bien sûr, d’un usage collectif, e...

Georges Forestier et la fabrique des œuvres

J'ai eu la chance de fréquenter Georges Forestier quand nous étions très jeunes. Ce devait être en 1967-69. Nous découvrions ensemble les chansons de Bob Dylan. Je l'ai retrouvé bien plus tard à Paris, quand Baptiste était élève de classe préparatoire au lycée Louis-Legrand. Nous avons déjeuné tous les trois, un jour d'hiver, au jardin du Luxembourg. Georges était alors devenu un personnage important du milieu universitaire, spécialiste incontesté du théâtre classique. Mes amis Michel Roland-Guill et Denis Castellas l'ont fréquenté eux aussi, à d'autres moments. Nous avons été stupéfaits d'apprendre son décès en avril dernier. Nous étions tous les quatre de la même année: 1951. Michel a eu l'idée de consulter bientôt après sa fiche sur Wikipédia , et il en a rapporté ce paragraphe qu'il a partagé avec nous: "Pour Georges Forestier, la mission principale des études littéraires consiste à se détacher de l'attitude normale du lecteur ou du spectate...

Henry James: Un Moderne

Le travail de Henry James (surtout dans la deuxième période) porte, me semble-t-il, sur les motivations des personnages. Non seulement celles-ci ne sont pas exposées clairement, mais surtout, quand on croit les découvrir et les comprendre, elles restent lointaines, incertaines au point qu’on peut douter si elles sont bien réelles ou si elles relèvent du fantasme. Et ce parti pris donne lieu à des récits compliqués, qui nous dérangent et nous égarent. Je lis le premier chapitre des Ailes de la colombe . Il se compose d’un long dialogue entre un père et une fille qui s’affrontent. Au fur et à mesure de l’échange, on entrevoit certains motifs de leur opposition. Les intérêts financiers y occupent une place, mais on devine qu’ils ne sont pas les seuls. Les personnages sont intarissables, et on comprend que l’abondance de leurs propos masque beaucoup de non-dits que l’on repère en creux. Leur opposition remonte à loin. On entrevoit que, dans ce passé, il y avait une mère. Sans que celle-ci ...

Les sports et la culture

Je prenais le café il y a peu sur la place Garibaldi avec Laure Quignard et Patrick Allemand quand, au détour de la conversation, Patrick nous a dit que, selon lui, les animateurs de clubs sportifs étaient aujourd'hui les vrais hussards de la République. J’ai applaudi à cette idée, et elle m’est revenue à l’esprit, l’autre soir, en regardant à la télé la cérémonie d’ouverture des JO. Je me suis dit que nous étions en train d’assister à un évènement historique d’une portée considérable, qui consistait dans la rencontre nuptiale et jubilatoire des sports et de la culture. Je ne suis pas assez bon connaisseur de l’histoire des sports pour juger s’il s’agissait là d’une première. Si je me trompe, on me corrigera. Mais c’est ainsi que j’ai vécu ce moment. Nos responsables politiques échouent, depuis des décennies, à réformer l'école. À lui donner plus de tranchant. À alléger le poids que la bureaucratie académique fait peser sur elle. À la faire davantage aimer des professeurs, auss...

Génèse

Mes histoires reposent sur la distinction entre impressions de lieux et intrigue. Au départ, il y a des impressions rencontrées dans des lieux. Il s’agit de lieux épars, séparés, qui me sont familiers ou qui ne le sont pas, et qui ne communiquent pas, comme s’ils étaient incompatibles. Et ces impressions peuvent me venir de l’enfance, être restées en réserve dans ma mémoire depuis de nombreuses années, ou avoir surgi tardivement, un beau jour. Elles se composent toujours de plusieurs éléments, mais elles appartiennent toujours à l’ordre de l’imaginaire, ce qui veut dire qu’elles n’ont pas de sens, qu’elles ne me disent rien, que je peux à la rigueur essayer de les décrire, de les évoquer (de les montrer), ce qui est très difficile dans la mesure où le “film de la parole” ne permet pas de faire des plans fixes, de s’attarder sur rien, à la différence du “film des images” (M. Duras, à propos d' India song , 1975, voir aussi la place donnée au temps et aux plans fixes dans le cinéma ...