Parfois, les soirs d'été, quand la chaleur vous avait accablé depuis des semaines, que vous n’aviez pas osé sortir de chez vous avant cinq heures de l'après-midi, il arrivait que le ciel se couvre, que les arbres frémissent. Et on devinait que, pas très loin de là, dans les montagnes de l'arrière-pays, l’orage se préparait. On devinait qu’il éclaterait au milieu de la nuit et qu’alors il remplirait le ciel, qu’il n’y aurait plus que lui comme un dieu ou comme un pitre pour faire le spectacle. Ici, il ne se passerait rien, mais quand il en avait l’intuition, il fallait que J. s'arrête de marcher dans le boulevard qui monte, il fallait qu’il se glisse dans l’encoignure d’une porte, qu’il s’y mette à l’abri, comme s’il avait pu craindre qu’une abondante averse soudain ne s’abatte sur lui, et il attendait debout, aux aguets, tous les sens en éveil. Il dressait l’oreille à l’affût des bruits lointains des premiers tonnerres, de leurs roulements sourds. Il se souvenait qu’il ...
Christian Jacomino