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Articles

15 - Langlois fait la sieste

Quand Langlois découvre le nom de Flora Zambetti dans le livre des mains courantes enregistrées par son service, Daniel lui a déjà parlé d’elle. La plainte a été déposée par Bernard et Marie-Claude Brandone, ses voisins, propriétaires de la Villa Rodrigue. Ceux-ci affirment que madame Zambetti les a menacés avec un fusil et même qu’elle a tiré deux coups de feu en l’air pour les faire reculer, un soir où ils étaient venus devant chez elle pour se plaindre des nuisances sonores causées par ses chiens. Langlois demande qu’on lui fournisse un plan du Domaine des Ollières, dont fait partie la Villa Rodrigue. Le lendemain matin, il s’accorde une promenade en voiture sur la colline de Gairaut. La masure héritée par Flora se trouve en contrebas de la Villa Rodrigue, à la limite du Domaine des Ollières, devant un mur de soutènement qui longe le Vieux Chemin de Gairaut. On y accède par un sentier escarpé que Flora emprunte avec sa Mobylette. Langlois, ce matin-là, arrête sa voiture devant le ha...

Intervalle 1

  Les photos Le son

Un équilibre fragile

Je me souviens des années 60. Nous avions besoin que Picasso nous montre des œuvres qui nous disaient qu'il savait peindre, pour pouvoir prendre au sérieux (considérer de manière positive) d'autres toiles qui, à nos yeux, ne le montraient pas. C'est comme dans la conversation, où il est nécessaire que tu tiennes des propos qui, à ton interlocuteur, paraîtront sensés, qui correspondront à son attente, à ses propres opinions, pour pouvoir tenir à d'autres moments des propos qui risquent de le décevoir ou de le heurter. Sinon, il ne t'écoute pas. Toujours une tension, une question d'équilibre. Il me semble que, dans la façon dont l'IA gère ses échanges avec nous, cette question se pose. Et je suis bluffé par la manière dont ChatGPT s'en débrouille.  Je soumets cette réflexion à ChatGPT qui me répond: "Tu mets le doigt sur quelque chose de très profond — à la fois en art, en rhétorique, et dans le dialogue humain, y compris avec une IA. Ce que tu décris...

14 - Un paysage de ruines

Se peut-il que Flora ne soit plus la même quand elle se trouve seule, la nuit, dans l’appartement de la rue Verdi, qu’elle se laisse envoûter par les vêtements de Viviane et par ses photos, tout spécialement par celles qui montrent Judith? Ou faut-il imaginer que déjà elle a perdu l’esprit quand elle a hérité de la masure de Gairaut et qu’elle a commencé de l’habiter en compagnie de deux gros chiens et d’un fusil? À ces décors s’ajoute celui de la chambre d’hôpital où Viviane est enfermée. Les visites à l’hôpital ne sont pas autorisées en raison de la crise sanitaire et des risques de contamination, ce qui fait qu’aucun de nos protagonistes n’a pu voir cette chambre ni ne la verra jamais, mais chacun l’imagine, ne peut pas s’empêcher de l’imaginer, de l’avoir toujours en tête, la nuit comme le jour, et tout spécialement Flora. Si bien que nous avons affaire à trois lieux qui sont comme des planètes qui gravitent ensemble. Le film, ou le roman graphique, devra rendre compte de ce systèm...

13 - Fenêtre sur cour

Il a continué à marcher vers le nord, sur la rue de Rivoli. Il a traversé la rue de la Buffa puis le boulevard Victor Hugo, il est arrivé ainsi à l’angle de la rue Verdi, et il s’est arrêté. Il fallait qu’il s'arrête à cet endroit, qu’il marque une pause, en dépit de la pluie, et alors il a vu, d’où il se tenait, à l'angle des rues désertes, une fenêtre éclairée. C'était au 26 de la rue Verdi, Palais Mireille, troisième étage.  D’abord il s’est demandé s’il ne se trompait pas, mais non, c'était bien la fenêtre du salon. Puis il s’est demandé si Viviane pouvait être rentrée de l’hôpital. Elle y avait été admise dix jours auparavant et, d'après ce que Flora lui avait dit, la dernière fois qu’ils s'étaient parlé au téléphone, il était peu probable qu’elle revienne de sitôt. Se pouvait-il que les lumières du salon soient restées allumées depuis si longtemps? Un sombre pressentiment lui fait traverser le carrefour.  Il vérifie qu’il a bien la clé de l’immeuble et cel...

12 - Rue de Rivoli

La Promenade des Anglais n’était pas belle à voir, par les nuits de ce printemps-là. Ou peut-être l'était-elle mais d’une beauté dont, par prudence ou par pudeur, on préférait se détourner. Tant de noirceur du ciel et de la mer, opposée à la lumière blanche des chambres d’hôpitaux où les malades étaient branchés sur des respirateurs artificiels, dont des infirmières en blouses blanches venaient, d’heure en heure, vérifier le bon fonctionnement. La maladie de Viviane suffisait, à elle seule, à remplir d’effroi les palmiers alignés comme une armée de crocodiles qu’on aurait coiffés de plumes. Il pleuvait quand Daniel est sorti de l'hôtel et il ne s’est pas attardé devant ce spectacle. Il a tourné dans la rue de Rivoli et, le col relevé, les mains enfoncées dans les poches de son blouson, il est parti d’un bon pas en direction des quartiers nord. Il se souvenait de leur dernière rencontre, sur ce banc du boulevard Victor Hugo, quand ils étaient convenus qu’il la remplacerait auprè...

Le blanc et le noir

Et puis son état s’est aggravé, au point qu’il a fallu l’hospitaliser à plusieurs reprises. C’était une période critique: les hôpitaux, débordés par l’afflux des malades du COVID, ne savaient plus où trouver les lits ni les chambres nécessaires pour les accueillir. La priorité était de limiter les risques de contamination. Les autres patients devaient être gardés le moins longtemps possible, et ils étaient isolés tant bien que mal, souvent relégués dans des recoins improbables. On installait des lits dans des couloirs déserts, derrière des paravents, ou au fond d’annexes oubliées. Viviane se retrouvait alors dans l’un ou l’autre de ces endroits sinistres. Et chaque semaine, une personne désignée sur sa fiche d’admission devait venir lui apporter du linge propre en échange du sale. Mais il n'était pas question que cette personne pénètre dans l'hôpital. Le linge devait être livré sur le parvis, soigneusement emballé dans un sac en plastique. Tout juste pouvait-on ajouter à ce bal...