1 - À côté de musiques conçues pour être écoutées par des gens assis, d’autres sont conçues depuis toujours pour faire danser, aussi bien l’aristocratie viennoise, si on songe aux valses de Johann Strauss, que le bon peuple comme celui des bals d’Hussein-Dey. Une troisième fonction dont seuls les spécialistes semblent garder la mémoire: celle des musiques conçues pour être jouées par des amateurs, en famille, entre amis, dans les salons. Catégorie abondamment illustrée par Mozart.
2 - La maison de Castellane que j'évoque dans Gisèle (dans Mon cœur qui bat) a bien existé au fond de son parc, et il est vrai que j’y ai passé un mois d’août avec mes parents et ma petite sœur quand j’avais dix ans. L’ai-je revue à l’occasion des brefs passages que j’ai faits à Castellane pendant ma vie d’adulte? Je n’en suis pas certain. Et existe-t-elle encore? Il faudrait que j’aille vérifier. Le fait est qu’elle a continué d’exister dans mon souvenir, sans doute dans mes rêves. Avec une insistance quelque peu mystérieuse, peut-être parce que c'était la première fois que nous partions en vacances, peut-être parce que nous y avions été heureux. Maintenant, elle est dans la boîte.
3 - Les histoires qu’on lit ont un sens interne qui est celui qui nous les fait lire du début à la fin. Ont-elles aussi un sens externe, qui serait celui que nous pouvons en tirer en-dehors d’elles, dans monde réel? Quelque chose comme une leçon ou une proposition. Il serait faux de dire que celui-ci n’existe pas, dans la mesure où nous sommes des êtres de langage et qu’à ce titre nous ne pouvons pas nous empêcher de prêter un sens à tout, jusqu’à un bout de fer rouillé trouvé sur la route ou aux battements d’ailes d’un papillon. Mais, pour ce qui les concerne, je parle des œuvres d’art, ce sens reste incertain, sujet à mille interprétations. Indécidable.
4 - Sur la recommandation de B., vu Un balcon sur la mer, de Nicole Garcia (2010). J’ai été frappé par la ressemblance entre la Marie-Josée Croze (alias Marie-Jeanne) de ce film et la Naomi Watts (alias Betty) de Mulholland Drive (2001). Apparemment, je ne suis pas le seul à avoir fait ce rapprochement. L’affaire est d’autant plus troublante que, quelques années auparavant, en 2002, Nicole Garcia présentait à Cannes L’adversaire (d'après le roman d’Emmanuel Carrère) et qu’une récompense lui aurait échappé à cause de l’opposition de David Lynch qui présidait alors le jury et qui aurait trouvé le film “trop noir”, en particulier parce qu’il y est question du meurtre d’un enfant. Ce que Garcia a jugé bien étonnant de sa part, en plus que c'était dommage pour elle.
5 - Samedi 28 juin 2025. Revu le Jacquemart de l’aube à mon réveil de la nuit, en sortant sur mon balcon, vers 03:30, dans les mêmes circonstances que celles que j’ai décrites dans Ceux d’ailleurs (chap. 3 de L’inconnu du môle). Rencontre tout aussi improbable et joyeuse que la première fois.
6 - Grâce à un article de Jacques Josse paru le 10 juin 2025 sur remue.net, je découvre l’existence du poète Jean-Pierre Le Goff mort en 2012. Aucun de ses livres en librairie. Je commande. Il faut que je compte le nombre de fois où j’achète un livre que je n’ai pas commandé.
7 - Pour commencer, n’hésite pas à copier les artistes que tu aimes. Puis, quand tu as trouvé ta manière, n’hésite pas à te répéter.
8 - Les œuvres d’art, pourvu qu’elles atteignent un certain degré d’exactitude et de distinction, sont toujours réussies. Elles réussissent à exister. On peut les garder, les montrer, les échanger, les copier. Les comparer, les contester, les commenter. Les collectionner. Elles restent. Et cette réussite signifie toujours que le monde est possible, même quand, de ce monde, elles se plaignent, même quand elles le dénoncent ou le raillent, même quand elles dérogent à ses codes et à sa bien-pensance. Elles disent que c’est encore possible, qu’il est possible encore de faire dans le monde tel qu’il est, même seul et avec les moyens les plus réduits, quelque chose qui vaille, quelque chose d’utile, ou de moins utile mais qui se tienne. Elles disent qu’il est possible d’en sortir par le haut.
9 - Il arrivait à mon père de dire: “Tu as une bonne place. Garde-la!” Une parole de vieil Italien. L’ai-je jamais entendue dans les films de Scorsese? Elle pouvait vouloir dire: “Ferme les yeux!” Je les ai fermés quelquefois. Pas toujours.
10 - Kyïv. Noté dans la nuit, directement issu du rêve et publié ce matin (2/07/25). On y voit le retour du trio formé par une jeune femme et deux frères dont l’un, l'époux, meurt au combat, qui était déjà apparu dans Ukraine (dans Tendres guerriers). D’où me viennent-ils? Que me veulent-ils? Et pourquoi sont-ils attachés à l’Ukraine? Le texte contient des bouts de vers du Paysage de Ch. Baudelaire que j’ai longtemps su par cœur.
11 - Il me disait: “Tu vois, quand tu pleures, en même temps, tu éprouves un peu de plaisir.” N’est-ce pas cela que les lacaniens précisément appellent la jouissance? Celle qu’éprouvait Amy Winehouse quand elle chantait sur scène, devant des foules immenses, en état d’ivresse.
Commentaires
Enregistrer un commentaire