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Affichage des articles associés au libellé Mon cœur qui bat

De quoi le Samouraï est-il le nom?

Le ciel sur la tête (3) Le Samouraï de ma fiction (de mon fantasme) est celui du film de Jean-Pierre Melville, qui est cité plusieurs fois déjà dans le projet Nice-Nord . C’est une figure importante de ma mythologie personnelle. Il apparaît en particulier dans La Chèvre et le Samouraï (dans Évite ) où il est question de la guerre d’Algérie et qui évoque le début de ma relation avec celle qui devait devenir ma femme, et que j’ai aujourd'hui perdue. Le film sort en 1967. Aujourd'hui, avec le recul, mes yeux s'ouvrent et je découvre soudain l’évidence qui aurait dû me frapper depuis le premier jour, à savoir que Jeff Costello a combattu en Algérie avant de devenir tueur professionnel à Paris. Je ne sais pas si cette hypothèse interprétative a déjà été proposée par la critique mais elle me semble tenir la route, et même être la seule en mesure de fournir une profondeur historique au personnage qui autrement semble tomber du ciel. Je la soumets à Gemini. Le robot me répond en a...

Comme un sacrilège

J’arrivais à Saint-Jean-d'Angély tôt le matin. C'était à l’automne 2019, le jour se levait et le ciel était pluvieux. J'étais invité à donner des cours de méthodologie d’enseignement du français à des professeurs venus de différents pays et regroupés là par une association qui organisait l’accueil et me payait à l’heure. La méthode que j’avais mise au point consistait à enseigner le français dans des poèmes classiques. On apprenait un poème dans sa forme orale et écrite, et ainsi on apprenait la langue. Mes interventions duraient des matinées entières et elles étaient aventureuses, à cause de la diversité du public que je découvrais en entrant dans la salle, et parce que ma proposition d’ outils numériques me rendait tributaire d’une connexion internet qui était souvent défaillante. Le diagnostic n'était pas encore posé. Le premier ne devait l'être que quelques semaines plus tard, le 24 décembre, mais je savais que A. était malade. Nous le savions sans en parler. E...

Gisèle (7 et fin)

Qu’est-ce que c'était que cette “vierge à l’enfant” qu’Hortense avait dans une poche de son manteau? C'était tout simplement une photo de Gisèle avec un bébé dans les bras, qu’Hortense avait découverte en fouillant dans un tiroir de la chambre de Mme Simonin, un matin que j’étais au rez-de-chaussée, dans la cuisine, en train de préparer le petit déjeuner et que je la croyais encore sous la douche. Un court billet y était joint, dans la même enveloppe qui était ouverte. Gisèle remerciait Mme Simonin pour l’aide qu’elle lui avait apportée, elle lui disait qu’elle habitait Marseille, qu’elle travaillait dans un salon de coiffure, qu’elle était mariée et que ce petit enfant lui était né, qui s’appelait Victor. En sortant de la chambre de Mme Simonin, Hortense était toute étourdie du coup qu’elle avait reçu sur la tempe. Françoise Astruc l’a croisée dans l’escalier, elle lui a demandé ce qui lui était arrivé. — Fais voir ton crâne, tête de mule! Viens dans mon bureau que je te mette...

Gisèle (6)

— Mme Simonin a un neveu, a dit Françoise Astruc à Hortense. Il est notaire à Épinal. C’est lui qui paie les frais de pension. Je ne l'ai jamais vu, je l’ai eu quelquefois au téléphone. Il prend des nouvelles sans demander à lui parler. La dernière fois, c'était il n’y a pas si longtemps. J’imagine qu’il va hériter de la maison. ll a fini par la louer. Il est probable qu’il ne reste plus rien des économies de Mme Simonin, et qu’il y est de sa poche. Alors, il m’appelle plus souvent. — Elle n’a pas d’autre famille? — Pas à ma connaissance. Cette maison doit avoir de la valeur. Elle est bien placée. — Oui, enfin, elle n’est plus en très bon état. Des plafonds hauts, des pièces immenses, difficiles à chauffer. Et des travaux à effectuer dans la toiture. — Il y a le parc. — Oui, répond Hortense, et cette fois elle paraît rêveuse, évasive. Elle est debout, elle joue avec un coupe-papier qui est sur le bureau de Françoise Astruc qui est la directrice de la pension. Elle regarde ses d...

Gisèle (5)

J’ai travaillé sans relâche durant les quatre jours qui ont suivi sans arriver à rien. J’ai commencé par demander à George, qui nous servait d'intermédiaire, de me faire parvenir le texte de la chanson du rappeur. Encore qu’elle était en français, à l'écoute, je ne comprenais pas une parole sur dix. À l'écrit, j’ai pu en comprendre trois, peut-être quatre, mais cela n'était pas suffisant pour me tirer d’affaire. L’univers évoqué était trop loin de moi, de mes goûts, de ce que je savais du monde, de ce que j’aimais de la vie, et tous les concepts graphiques que j’essayais tour à tour, je devais me rendre à l’évidence qu’ils n'étaient que des copies de ce que d’autres avaient fait et continuaient de faire ailleurs, avec plus de conviction et de sincérité. Si bien que j’ai renoncé. Paul et George avaient eu l’amabilité de s’adresser à moi, puis de me confirmer leur commande. Je devais, de mon côté, avoir celle de ne pas leur fournir une proposition médiocre, qu’ils dev...

Gisèle (4)

La dernière mention du nom de Gisèle remontait à six ans. De nouveau, la note était succincte, mais on pouvait comprendre que Mme Simonin avait été informée par l’une de ses élèves qu’un jeune homme était arrivé au village, qu’on ne connaissait pas, qui semblait être là pour Gisèle et que celle-ci présentait comme son cousin. Un garçon très brun et maigre comme un clou. L’œil noir. Gisèle semblait heureuse de sa compagnie. Il l'attendait à la sortie du lycée, ils marchaient ensemble dans les rues, ils s’attardaient dans les jardins. L’indication selon laquelle “On ne sait pas où il dort” était soulignée au crayon rouge, un gros crayon à double pointe, rouge et bleue, dont Mme Simonin se servait pour annoter les partitions. Et puis, plus rien. Rien à propos de Gisèle, ni non plus à propos de ses élèves, de sa maison, de son jardin, seulement l’expression vague de quelques soucis de santé — “Je perds la mémoire”, “Il faut que je change de lunettes”, “Le sol s’est dérobé sous mes pied...

Gisèle (3)

Gisèle avait été amenée par une camarade de collège qui était une élève de Mme Simonin. Elle était restée assise durant toute la leçon, visiblement intéressée et plutôt amusée par le rituel étrange auquel elle assistait, à la suite de quoi Mme Simonin leur avait offert à goûter, elles avaient bavardé, et ainsi Mme Simonin avait pu se faire une première idée de qui était Gisèle: une fillette de quatorze ans, qui avait grandi à Marseille et que les services sociaux avaient placée à Castellane dans une famille d’accueil. La famille d’accueil était constituée d’Étienne Lorho, employé municipal, de sa femme Laurette qui faisait des ménages chez des particuliers, et de leurs trois enfants. Mme Simonin ne connaissait pas ces gens, elle ne tenait pas à les connaître, mais elle s’est intéressée à Gisèle, elle lui a dit qu’elle pouvait revenir quand elle voulait, elle lui a proposé de lui apprendre un peu de piano ou de violon, gratuitement bien sûr, et elles ont essayé, mais Gisèle ne tenait pa...

Gisèle (2)

Je descendais un chemin caillouteux, j’ai fait une chute sur les fesses dont je me suis relevé avec une violente douleur au poignet. J’ai repris ma voiture et j’ai regagné le village en conduisant d’une main. Au cabinet médical, j'ai été reçu par le docteur Hortense Machaud. Elle a palpé mon poignet, j’ai remué les doigts. Sans lever les yeux, elle m’a demandé si j'étais en vacances ici. Je lui ai parlé de la maison de Mme Simonin. Les yeux toujours baissés, comme pour me faire attendre, elle m’a dit: — Je connais Mme Simonin. Je suis le médecin de l’institut Beauséjour où elle est pensionnaire, et avant cela je la voyais chez elle, à la villa Uranie. La maison de Mme Simonin s'appelait "Villa Uranie". Je ne l'avais pas remarqué jusqu'alors. Nous nous sommes revus. La radiographie a décelé une légère fracture. On m’a mis un plâtre. Je devais renoncer à conduire jusqu'à ce qu’on m’enlève ce plâtre, le prétexte tout trouvé pour prolonger mon séjour à Cas...

Gisèle (1)

 C'était bien la maison où j’avais passé des vacances avec mes parents, un été, quand j’avais dix ans. J’avais cru la reconnaître en voyant sa photo sur le site internet de l’agence, et maintenant je ne pouvais plus douter. Une maison grise, aussi large que haute, comme celle d’un notaire ou d’un médecin à l’ancienne, mais sans luxe, avec seulement trois marches de perron et un air désuet, au fond d’un parc planté de marronniers, sur la rive du Verdon. À l’agent immobilier qui a ouvert la grille du parc, j’ai dit que je connaissais cette maison, que j’y avais séjourné quand j'étais enfant, et que je me souvenais aussi de sa propriétaire, Mme Simonin qui nous y avait reçus. — Connaissez-vous Mme Simonin? lui ai-je demandé. Est-elle encore vivante? Il m’a répondu que oui. Qu’elle s'était retirée dans une résidence pour personnes âgées, trois ans auparavant, qui se trouvait à une quinzaine de kilomètres d’ici, plus haut dans la montagne. — Déjà, à l’époque, elle vivait seule, ...

8. Mission impossible

Elle se rend au garage, un soir, au moment de la fermeture. Daniel y est seul, devant un vélo renversé, les roues en l’air, dont il est occupé à régler le dérailleur. Elle dit: — Bonjour Daniel, je peux te parler? — Oui, bien sûr, dit-il, mais sans tourner la tête. Alors, elle lui dit tout ce qu’elle est chargée de lui dire en quelques phrases. Les villas visitées par de jeunes fêtards. Le début de l’enquête. L’article de Nice-Matin . Les enregistrements produits par les caméras de vidéosurveillance. Les porteurs de masques. Les placards ouverts, les vêtements dispersés, les vols. L’alcool, probablement la drogue. Enfin, la rencontre entre le proviseur du lycée et le commissaire Langlois. Elle ajoute: — C’est le commissaire Langlois qui a prononcé ton nom. Il semble penser que tu pourrais nous aider. Roselyne Bujot est debout, un peu embarrassée de son corps, et, jusque-là, c’est à peine si elle a pu apercevoir le profil de Daniel, son front, la courbe de son nez, ses lèvres fermées. P...

7. Une brosse à cheveux

Ce n’est pas le proviseur qui est venu solliciter Daniel dans son garage à vélos, c’est la professeure de lettres, Roselyne Bujot, dont il avait été question au cours de l’entretien que le proviseur avait eu avec Langlois, à savoir la mère de la jeune fille que Daniel avait séduite trois ans auparavant, et qui était sortie détruite de cette histoire. Pourquoi cette femme? Parce que le proviseur lui avait demandé de le faire, sans doute pour se préserver lui-même. Il fallait qu'il l’ait informée de l'échange qu'il avait eu avec Langlois, ce qui suppose qu’il existait entre eux une confiance, voire une complicité qui peut surprendre au premier abord, et qu'on est tenté d’expliquer de différentes manières, et sans doute aussi parce que cette professeure trouvait là l’occasion de se réconcilier avec son ancien élève, dont on pouvait se demander s’il n’avait pas été traité de manière quelque peu expéditive et injuste, trois ans auparavant. Si on ne s'était pas débarrassé...

6. Mais fidèle, mais fier...

Le proviseur du Parc Impérial s’appelle Stéphane Theuriet. Il a demandé au commissaire Langlois de le rencontrer. De préférence en terrain neutre. Ils se retrouvent ainsi au restaurant du Club nautique, un jour de décembre où le ciel est si clair, le soleil si brûlant que, sur la terrasse, les hommes sont en chemises et les femmes en robes légères, coiffées de grands chapeaux. Ils ne perdent pas de temps en préambule. Theuriet remercie le commissaire d’avoir accepté son invitation. Ils consultent la carte, commandent l’un et l’autre des filets de soles avec une bouteille d’eau minérale, et aussitôt Theuriet explique: — J’ai reçu la visite de la mère de l’une de nos élèves en classe de Première. Une jeune fille qui ne s'était jamais fait remarquer jusque là. Sérieuse, plutôt timide. Cette mère m’explique qu’elle a fouillé dans le téléphone de sa fille, et qu’elle y a découvert deux petites vidéos que celle-ci avait postées sur TikTok, et d’autres aussi qu’elle avait reçues. Et, à le...

5. Les visiteurs de la nuit

L’histoire commence avec un article de Nice-Matin , une pleine page illustrée d'une photo. Son titre: Les visiteurs de la nuit . On y raconte que des propriétaires de villas situées sur les collines ont eu la surprise de constater que celles-ci avaient été visitées en leur absence. Non pas par des cambrioleurs, ce à quoi on s’attend toujours, mais par des jeunes gens qui sont venus y faire la fête et qui ont laissé la maison et surtout sa terrasse dans un désordre affligeant, comme si un essaim de criquets s’y était abattu. Comment ces propriétaires peuvent-ils savoir qu’il s’agit de jeunes gens, et même de très jeunes gens? La réponse est simple: parce que les caméras de vidéosurveillance le montrent. Ce qu’elles montrent aussi, c’est que ces individus ne sont pas les mêmes dans chaque occasion, pour autant que les services de police aient pu en juger d'après les enregistrements qu’ils ont visionnés dans chacune des maisons. Et on apprend aussi que certains d’entre eux, qui se...

4. L'envol

Après la mort de Viviane Hayward puis la fin de la crise sanitaire, la vie de Daniel a beaucoup changé. En l’espace de quelques mois, il est devenu marchand et réparateur de vélos. Ses parents se sont associés pour acheter un garage qui existait déjà, rue Vincent Fossat, à deux pas de la rue Parmentier où il continue d'habiter, et ils en ont fait le gérant, rôle qu’il assume avec beaucoup de sérieux. Il a renoncé au poker et il paraît bien décidé à faire en sorte que son garage devienne l'un des rendez-vous incontournables du cyclisme azuréen. Il a une stratégie pour cela: il va courir le dimanche matin avec ceux de ses clients qui ont déjà leurs habitudes sur les routes de l'arrière-pays. Il les suit comme il peut, encore que la plupart soient plus âgés que lui, et de chacune de ces randonnées il rapporte de courtes séquences vidéo qu’il réalise avec une caméra frontale, et qu'il projette ensuite sur un grand écran qu’il a fait installer dans le magasin, puis qu’on peu...

3. The Bling Ring

Le lendemain matin, je me suis réveillé tard, et tout de suite j’ai su que je ne retournerais pas au boulevard de la Libération. Ce que Daphné m’y avait dit, je m’en souviendrais un jour, et il serait bien temps alors que je le sache, ou bien je ne m’en souviendrais pas et ce serait sans importance. Je suis descendu me promener sur le Vieux Port et bientôt j’ai eu l'idée d’aller déjeuner à la brasserie Le Grillon, sur le cours Mirabeau, à la suite de quoi je rentrerais à Nice pour me coucher et dormir. Le Grillon était un lieu que nous regardions de l’extérieur, quand nous étions jeunes, pendant les deux années où nous avons habité là-bas, rue de l’Aumône-Vieille, parce que nous étions trop pauvres alors pour nous y asseoir. Mais nous ne manquions pas d’y prendre nos repas chaque fois que, par la suite, nous retournions à Aix pour faire des emplettes et célébrer notre passé. Et, depuis cinq ans, j’avais évité d’y faire le pèlerinage que je me sentais capable de faire à présent. Un ...

2. Au Mama Shelter

Cette fois, j'étais venu en voiture. Mais c'était de nouveau l'automne et, quand je suis arrivé, il faisait déjà nuit. Plusieurs fois au cours des dernières années, j’avais consulté le plan de la ville pour ancrer mon souvenir dans le monde réel, et mon attention avait fini par se concentrer sur une zone qui s'étendait de la gare Saint-Charles au parc Longchamp. Et, à force, le boulevard de la Libération m’était apparu comme le résultat le plus probable de ma recherche. J’ai laissé ma voiture dans un parking souterrain et je m’y suis rendu à pied. Et aussitôt que j’y suis parvenu, je n’ai plus douté. En effet, il était en pente, parcouru par une ligne de tramway, et l’absence presque complète de vitrines éclairées aux rez-de-chaussée des immeubles lui donnait dans la nuit un air d’abandon. Mais de là à retrouver l'entrée de l’immeuble où Daphné avait habité et où j'étais venu la rencontrer, c'était une autre affaire. On parlait beaucoup, à cette époque, des ...

1. Daphné

J'étais allé à Marseille pour retrouver un immeuble dont j’avais perdu l’adresse. Bien des années auparavant, j’y avais fait une visite à une femme qui avait été une amie de ma mère et qui avait demandé à me voir. J'étais arrivé à Marseille par le train, un après-midi d’automne, j’avais passé la soirée chez elle et j’y avais dormi. Depuis toujours je connaissais son existence mais je l'avais rencontrée peu souvent et jamais bien longtemps. Il y avait les photos que ma mère me laissait voir. De furtives apparitions dans le couloir de notre appartement de l’avenue Jugnot. Un rire, un parfum qu'elle laissait derrière elle. Son invitation tardive m'avait surpris. J’y avais répondu en pensant qu’elle me parlerait de ma mère. Les deux femmes avaient été liées par une longue amitié, elles avaient voyagé ensemble, elles étaient allées au cinéma, au concert, elles avaient échangé des livres, elles avaient beaucoup parlé, et j’avais imaginé que Daphné (c'était son nom) me...