J’ai lu Les Fleurs du mal quand j'étais très jeune. Pas toutes les Fleurs du mal mais dans Les Fleurs du mal quelques textes qui me fascinaient et que je relisais jusqu’à les savoir par cœur. La Servante au grand cœur occupait, dans ce petit nombre, une place de choix. Et la lecture que j’en faisais alors est restée celle que je fais aujourd'hui encore. À une nuance près, mais très paradoxale. On a souvent qualifié le poème en question de “romanesque”, et en effet j’avais le sentiment de lire un chapitre d’un roman de Zola, d'être plongé dans un imaginaire plein de délices décadents, proche de celui que je devais reconnaître, quelques années plus tard, dans les nouvelles de Barbey d’Aurevilly. L’histoire qu’il racontait — ou qu’il évoquait seulement, sans tout nous dire, ce qui lui donnait encore plus de force — m'intéressait au moins autant que la beauté déchirante des vers. Or, que disait-elle? Dans mon esprit, il ne faisait pas de doute qu’il s’agissait d’un dand...
Christian Jacomino