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Articles

Le problème de l'eau

Le guetteur La cafétéria était en étage. Ses baies vitrées donnaient vue sur le parking du centre commercial. Plus loin, il y avait le cinéma, et plus loin encore le motel où Alejandro avait loué une chambre. Le reste, c'étaient des autoroutes, de larges voies bitumées qui s'entrelaçaient et se superposaient en certains endroits, qui formaient des nœuds puis des élancements à perte de vue, séparées par des îlots d’habitations avec des maisons qui paraissaient minuscules, écrasées par le ciel, des bouts de jardins et des piscines. On lui avait demandé de faire le voyage en avion puis de se tenir à cet endroit pour surveiller un homme qui venait en voiture. Il la laissait sur le parking, il disparaissait dans le centre commercial, puis il réapparaissait, une heure plus tard, ou parfois davantage, le plus souvent les mains vides, il remontait dans sa voiture et repartait avec. On ne lui avait pas demandé de le photographier, ni d’essayer de le retrouver ensuite dans le centre comm...

Un dentiste de Montmartre

Rue des Abbesses Depuis que Miguel Arroyo (l’aveugle, le personnage principal) faisait partie du Cercle, aucune action assassine n'avait été commise. Aucune action héroïque non plus. Denis Sandler et lui s'y étaient rencontrés dans leur jeune âge et, depuis lors, les dix membres du Cercle n'avaient eu à accomplir aucun exploit, seulement des surveillances discrètes, des démarches compliquées auprès d'administrations étrangères, des achats de tableaux dans des ventes publiques, des recherches de vieux livres chez les bouquinistes, la photo qu'il fallait prendre d'un couple installé, chaque matin, à la terrasse du café Florian, place Saint Marc, des visites dans des zoos, d'autres dans cimetières, ainsi parfois que de menus larcins, des chapardages idiots, d'un foulard dans un vestiaire, ou, plus grave, d'une clarinette dans la loge d'un artiste, mais rien qui leur fît craindre d'y perdre la vie ou d'être mis en prison.  Ils s'étaient a...

Le Cercle de Buenos Aires

Le glacier Nous sommes à Buenos Aires un jour de grand soleil, où il fait chaud, probablement l'été. Deux hommes se retrouvent dans un glacier. Ils sont vieux, ils se tiennent assis dans l'ombre et ils ont une conversation au début de laquelle le personnage principal se fait servir un verre de lait. Ce verre est devant lui, sur une table ronde, tandis qu'il parle, et son interlocuteur est en retrait, on le voit mal, ce qui ne l'empêche pas de regarder la rue. La scène est muette, on ne sait pas de quoi ils parlent. Ils se sont donné rendez-vous dans ce glacier, au cœur de la ville, pour évoquer quelque chose qui relève du passé. De quoi s’agit-il? Trois hypothèses. La première, il s'agit d'une conversation érudite, portant sur la littérature classique. La seconde, il s'agit aussi d'une conversation érudite mais qui concerne cette fois l'histoire de leur pays, des batailles, des guerres qui l'ont émaillée. La troisième, il s'agit d'un comp...

Lived in Bars

Il est vrai que les rencontres de hasard, les coq-à-l’âne du destin, les effets de transparences ou de superpositions me parlent, qu’elles marquent mes souvenirs les plus anciens qui restent pour moi les plus précieux.  Je me souviens de m’être promené sur le boulevard Gambetta à la nuit tombée en reconstituant dans ma tête des strophes de La Chanson du mal-aimé , je devais avoir alors quinze ou seize ans. Je me souviens de m’être promené un jour de grand soleil près du carrefour Saint-Philippe où était mon lycée, en entendant dans ma tête la trompette de Miles Davis qui jouait Summertime . Je ne l’ai jamais si bien entendue. Si, il y a eu une autre fois, plus ancienne d’un an ou deux. C’était la nuit, j’habitais chez mes parents et ma chambre se trouvait au bout de l’appartement, tous deux étaient assis sur le canapé du salon, devant le poste de télévision, figés je les imagine à présent comme dans un double portrait de David Hockney, je suis passé dans le couloir et je me suis ar...