La façade de verre borde l’avenue principale, où la foule des piétons est nombreuse à circuler à toutes les heures du jour, mais, quand la nuit tombe, les lumières s'éteignent, les portes se ferment, les alarmes sont mises, tandis qu’à l’arrière, les hangars restent ouverts dans l’attente de camions venus parfois de loin, qu’il faut décharger avant qu’ils ne repartent.
Combien de nuits ai-je passées près de lui à attendre l'arrivée des camions, puis à les décharger, puis à essayer de dormir un peu avant que d'autres n'arrivent? Ils venaient des pays du nord le plus souvent, où les routes sont enneigées, où les ciels sont traversés d'orages, où les forêts sont immenses. Avec les chauffeurs, nous nous comprenions par gestes. Ils nous demandaient où trouver quelque chose à manger, mais surtout du café chaud et des cigarettes.
Nous étions devenus amis, quelque chose comme amis, il s’était habitué à moi, il me parlait. Et même il partageait avec moi les écouteurs de son téléphone, et ainsi nous écoutions ensemble de la musique.
C’étaient des symphonies de Gustav Mahler, uniquement des symphonies de Gustav Mahler, encore qu’il semblait ne pas connaître ce nom. J'étais surpris. Cette nuit-là, je lui ai demandé s’il lui arrivait d’écouter d’autres musiques.
— Quelle autre musique? m’a-t-il répondu.
De nouveau il ne comprenait pas le sens de ma question. Je lui ai cité les noms des Doors, de Janis Joplin, de Jimmy Hendrix, mais il semblait les entendre pour la première fois. Puis nous avons dormi avec les écouteurs aux oreilles, sans arrêter la musique.
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