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Le spectacle du roman

L’histoire que pour le moment j’intitule Des lumières sur les collines, et dont j’ai publié les premières pages ici, au fur et à mesure que je les écrivais, en même temps que je les inventais, à présent je continue d’y travailler ailleurs, sur un blog dédié, l'idée étant de peaufiner le scénario avant d’écrire la suite, soit un dédoublement du travail d’écriture auquel je ne m'étais jamais livré jusqu'à présent et qui a toutes les chances de se solder par un échec. Depuis longtemps pourtant je défends la distinction que fait Aristote à propos de la rhétorique entre 
  1. L'inventio (invention, qui est l’art de trouver des arguments et des procédés pour convaincre). 
  2. La dispositio (disposition, qui est l’art d'exposer des arguments de manière ordonnée et efficace). 
  3. L'elocutio (élocution, qui est l’art de trouver des mots qui mettent en valeur les arguments, ce qu’on appelle aujourd’hui, de manière dangereusement restrictive “le style”, comme si le style ne relevait pas aussi de l’invention et de la disposition).

Nous aurions affaire ici à des couches. Il y aurait ce qui se conçoit d'abord et qui est au plus profond (l'invention), puis ce qui s’y ajoute (la disposition) puis ce qui s’y ajoute encore (l’élocution).

Et il semble que les choses se passent bien ainsi au cinéma.

Mais, plutôt que de strates, l'idée importante pour l'écriture romanesque est peut-être celle de montage, de collage, ou de composition, chaque œuvre opérant la mise en série d’éléments (personnages, lieux, objets, actions) qui contrastent entre eux, de manière telle que le lecteur soit tout de même conduit à parcourir le texte du début à la fin, dans son ordre et son intégralité.

Le goût, et comme le besoin de ménager dans le travail d'écriture une brisure, une césure qui fasse en sorte qu’il ne s'opère pas dans la seule dimension de la pulsion (de l’inspiration du moment) mais qui le ramène à une forme de bricolage. Fabriquer (combiner) le roman comme ce que j’ai appelé (en 2002) un dispositif de spectacle

Une idée très présente aussi, en matière de peinture, dans le travail de David Hockney sur les paysages

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