Ils savaient que Flora ne refuserait pas de rendre le fusil et les photos, qu’il serait facile de la convaincre. Mais concernant les photos, avait-elle conscience de les avoir volées? Et quelle serait sa réaction quand elle l’aurait compris? La question était épineuse. Elle a donné lieu à une réflexion à laquelle j’ai eu la chance de participer, un matin de septembre où nous nous sommes retrouvés tous les trois au Café du Cycliste, sur le quai des Docks.
Dans le scénario que nous avons élaboré, il restait une part d’incertitude. Nous savions qu’à un moment ou un autre, il faudrait improviser. Néanmoins, les lignes générales étaient très claires.
Daniel est entré dans la maison et, sous la menace de l’arme que la pauvre femme braquait sur lui, il lui a dit:
— Flora, il faut que tu rendes les photos. Elles ne sont pas à toi, elles sont à Viviane et Viviane veut qu’elles reviennent à Cynthia, sa nièce! Tu comprends? Tu veux bien?
Flora a aussitôt baissé son arme, et elle a dit:
— Viviane me les a données!" Mais le ton n'était plus alors celui d'une revendication ni celui d’un mensonge. Elle commençait à se réveiller. Et il était facile de deviner que ce réveil était pour elle très douloureux.
La question que Langlois et Daniel s'étaient posée, sur laquelle nous avions débattu, était de savoir si, après avoir convaincu Flora, il faudrait l’abandonner, toute seule dans sa maison. Et la réponse était négative, aussi avaient-ils amené du renfort.
Deux voitures se sont garées à l'entrée du chemin qui conduisait chez elle. Il faisait nuit. Langlois et Daniel se sont extraits de la première. À bord de la seconde, trois femmes avaient pris place, qu’ils avaient recrutées à l’Ariane et qui étaient des amies de Flora.
Tous les cinq sont descendus dans une obscurité qui leur faisait risquer à chaque pas de se casser la figure. Puis, ils se sont arrêtés devant la maison en tâchant de calmer les aboiements des chiens. Ils s'attendaient à voir Flora sortir devant sa porte, mais peut-être dormait-elle, ou plus probablement était-elle transie de peur, et comme elle ne se montrait pas, Daniel a obtenu de Langlois qu'il l’autorise d’un hochement de tête à s’avancer et à pousser la porte. Et quand Flora a baissé son arme, il a souri et il a dit:
— Je ne suis pas venu tout seul, Flora! Tu as trois amies qui t’attendent dehors, sous le tilleul.
Ce soir-là, il y avait couscous en plein air, sur la place de l’Ariane. Il était maintenant un peu tard pour le plat principal, mais les amies de Flora avaient demandé aux organisateurs de les attendre pour le thé vert et les makrouds.
Enfin, le soir de l’enterrement, après avoir passé toute une journée à choisir des photos pour le projet de livre, Renji Takemura a annoncé qu’il regagnait la chambre qu’il avait réservée à l’hôtel Windsor, rue Dalpozzo. Cynthia et Daniel l’ont accompagné jusqu'à l'hôtel, de crainte qu’il se perde. Puis, lentement, dans les rues désertes, ils sont revenus dormir chez eux.
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