L’histoire commence avec un article de Nice-Matin, une pleine page illustrée d'une photo. Son titre: Les visiteurs de la nuit. On y raconte que des propriétaires de villas situées sur les collines ont eu la surprise de constater que celles-ci avaient été visitées en leur absence. Non pas par des cambrioleurs, ce à quoi on s’attend toujours, mais par des jeunes gens qui sont venus y faire la fête et qui ont laissé la maison et surtout sa terrasse dans un désordre affligeant, comme si un essaim de criquets s’y était abattu.
Comment ces propriétaires peuvent-ils savoir qu’il s’agit de jeunes gens, et même de très jeunes gens? La réponse est simple: parce que les caméras de vidéosurveillance le montrent. Ce qu’elles montrent aussi, c’est que ces individus ne sont pas les mêmes dans chaque occasion, pour autant que les services de police aient pu en juger d'après les enregistrements qu’ils ont visionnés dans chacune des maisons. Et on apprend aussi que certains d’entre eux, qui se pavanent devant les caméras, portent des masques amusants, comme ceux de carnaval.
Les villas concernées sont, à ce jour, au nombre de quatre, et les quatre intrusions ont eu lieu pendant une période assez courte de l’automne. Nous sommes alors fin novembre et, encore qu'aucune nouvelle intrusion n’ait été signalée depuis une quinzaine de jours, on peut craindre que d’autres se produisent dans les jours et les semaines à venir, raison pour laquelle le commissaire Langlois a convoqué la presse, dans le souci que les propriétaires de villas situées sur les hauteurs de Nice prennent davantage de précautions.
Joseph Leroux, qui signe l’article, déclare qu’il a pu interroger deux des propriétaires. À la question de savoir s’il ne s'agit pas de cambriolages, les deux font la même réponse, que certains objets ont bien été volés, mais en petits nombres et exclusivement des robes, des sacs, des chaussures, une paire de lunettes, des vêtements de marques, toujours chics et chers, mais qui semblent avoir été choisis un peu au hasard, en fouillant dans les placards, à l’occasion d’une visite dont le but principal était de faire la fête dans un lieu interdit. Monsieur Bayard (les noms ont été changés) déclare ainsi: “Nous avons, dans notre salon, un Robert Combas et un Gérard Serée, de même que dans notre chambre un très joli petit dessin de Giorgio Morandi, ils n’y ont pas touché, je me demande même s’ils les ont vus.”
À la question inévitable de savoir si, selon eux, ces fêtes ont donné lieu à la consommation de drogues, les réponses sont plus circonspectes. “Le commissaire Langlois nous a demandé de ne pas faire de déclaration sur ce sujet, déclare Madame Lançon (idem). Pour ce qu’on a bien voulu nous dire, des prélèvements ont été effectués et leurs analyses sont en cours. Mais enfin, oui, mon mari et moi pouvons affirmer que l’alcool a coulé à flots. Nous avons compté les bouteilles dispersées jusque dans notre salle de bain et même dans notre lit, et leur nombre était impressionnant.”
Joseph Leroux ajoute que les enregistrements vidéos ont été saisis par la police. Qu’il n'a pas pu y avoir accès. Et que les deux questions qui restent en suspens sont celles de savoir, primo, comment ces jeunes “visiteurs de la nuit” ont pu deviner que les villas seraient inoccupées à la date où ils ont organisé leurs fêtes, car, dans tous les cas, précise-t-il, celles-ci sont des résidences principales, que leurs propriétaires ne quittent qu’en deux rares occasions? Secondo, comment ont-ils pu y pénétrer, dans la mesure où on ne relève aucune trace d’effraction?
Le ton de l’article tend à faire penser que le journaliste ne prend pas l’affaire très au sérieux. Était-il bien nécessaire dans ce contexte, et quand on s'appelle comme lui, d’évoquer le Mystère de la Chambre Jaune? Et il conclut de façon tout aussi légère, en déclarant que les quatre villas en question étaient toutes équipées de piscines, et que les quatre fois des baignades avaient agrémenté la fête, mais qu’à présent on entrait dans l’hiver, “ce qui donnait à espérer que ces jeunes plaisantins aient moins envie de se jeter à l’eau”.
Le mot “plaisantins” convenait-il ici? Ce n’est pas certain. Si, sur les lieux, les dégâts ne semblent pas bien grands, il n’en reste pas moins que des adolescents les ont choisis pour se livrer à toute sorte d'excès, à ce qu’il faut considérer comme des conduites à risques, et qu’une fois prochaine il pourrait bien en rester un sur le carreau. D’où une certaine urgence, oui, tout de même, à arrêter ce cirque. À défaut de protéger les villas, qu'au moins on protège nos enfants!
Image créée avec Gemini
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