Au milieu de l'après-midi, Daniel a parlé du match, et comme le moment était venu pour eux de prendre l’air, que la peau leur brûlait, ils ont un peu marché sur les trottoirs déserts, et ils se sont retrouvés dans un café de l’avenue du Ray qui est un rendez-vous des amateurs de foot.
Ils n’y étaient jamais venus. Ils ont commandé des boissons et des glaces. L’endroit ressemblait plutôt à un glacier. Avec des miroirs et la lumière du dehors qui se reflétait dessus. Il y avait là une demi-douzaine d’authentiques tifosi, qui ont continué de regarder le match sans s’occuper d’eux, mais aussi trois garçons de leur âge dont deux au moins faisaient beaucoup de bruit.
Ils conspuaient l’arbitre qui ne les entendait pas, ils se levaient, s’exclamaient, ils tapaient sur les tables, mais aussi ils riaient en regardant la fille. Celle-ci était en short. Les yeux clairs, la peau claire, aussi peu vêtue qu’elle pouvait l'être. Et comme les regards et les rires devenaient offensants, Daniel s’est levé de sa chaise pour faire face aux moqueurs.
Il était grand. Il se tenait immobile, sans rien dire, il montrait sur son visage l’air le plus calme et le plus résolu dont il était capable, qu’il avait dû apprendre en regardant des films. Le patron est intervenu. Il a crié de derrière son comptoir:
— Oh, les garçons, ça suffit, on arrête!
La lumière était coupante. Les rares voitures qui montaient l’avenue en direction du nord roulaient vite. On entendait longtemps le bruit des moteurs qui décroissait dans le vide. Alors, l’un des trois s’est levé, lui aussi. Il est venu vers Daniel et il a dit en souriant:
— Ne fais pas attention. Ils font les malins. Ils sont jaloux parce qu’ils n’ont pas de copines.
Daniel ne le regardait pas. Il regardait derrière lui les deux autres qui continuaient de rire mais sans quitter leurs chaises.
Béatrice s’est levée à son tour. Elle a posé sa main sur le bras de Daniel. Elle a dit:
— J’en ai assez du foot. Il fait trop chaud ici. Tu me raccompagnes?
Puis encore:
— Arrête de les regarder. Viens!
Elle l’a tiré par le bras et ils sont partis.
Le hasard a voulu qu’ils se retrouvent quelques semaines plus tard, au début de juillet, dans le parc Vigier qui s'étend en bordure du boulevard Franck Pilatte, et que les connaisseurs fréquentent comme une oasis derrière le port.
Ils étaient une dizaine avec Daniel, groupés sous les arbres. Ils partageaient un pique-nique, les filles assises sur des bancs, avec les boîtes de salades qu’elles avaient apportées, les garçons debout devant elles, qui n’avaient rien apporté et qui faisaient semblant de ne pas avoir faim. Et un peu à l'écart, ils étaient observés par les trois mêmes inconnus avec qui Daniel avait failli se battre.
Les deux mêmes riaient en les dévisageant et Daniel de nouveau leur faisait face. Il les tenait en respect, mais cette fois il était moins inquiet, et le plus raisonnable des trois de nouveau s’est avancé vers lui. Il lui a dit en souriant:
— On se retrouve. Qu’est-ce que tu fais ici?
— Et toi, qu’est-ce que tu fais ici?
— Nous sommes du quartier. On se baigne un peu plus loin, on plonge où il y a des rochers.
— Je vous ai vus. Vous faites les malins. Vous épatez les filles.
Béatrice n'était pas avec eux, mais Cynthia était assise sur un banc avec les autres filles. Et de loin elle essayait de comprendre ce qui se tramait entre les deux garçons.
Daniel a expliqué que ses camarades et lui avaient participé, le matin, à un stage de voile. Avant qu’ils se séparent, Karim a dit qu’il s’appelait Karim et Daniel aussi a dit son nom, et il a parlé de la piscine du Piol.
— Tu vois où elle est? Derrière le Parc Impérial. Je fais partie du club. L’entraîneur cherche toujours des nouveaux pour son équipe. Si tu n’as pas peur de faire des longueurs, il te laissera entrer.
Et c’est ainsi que Daniel et Karim ont commencé à se voir et qu’ils sont devenus amis.
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