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Rien d’autre

Elle ne cesse pas de marcher. Elle a perdu sa fille. Qu'une fille perde sa mère, cela se conçoit, cela se voit chaque jour. Mais qu'une mère perde sa fille. Quand l'a-t-elle égarée et où? Elle se dit qu'elle aurait dû faire plus attention. Mais elle n'imaginait pas. D'ailleurs, est-elle bien sûre de l'avoir perdue? A-t-elle jamais eu de fille? Parfois elle en doute. Elle lui ressemblait tellement. C'était elle. En plus jeune, en plus charmante. Elle se souvient d'elle quand elle-même s'égare. Il ne lui reste qu'à marcher. Je la vois qui marche. Elle a remarqué qu'en marchant beaucoup, peu de verres de vin suffisent qu'elle boit aux comptoirs de bistrots de rencontre. La seule chose importante est de s'éloigner autant que possible du centre de la ville. Où sont les lumières des commerces et de la vie des autres. D'abord elle prend le tramway, puis, au bout de la ligne de tramway, elle descend et elle marche. Pourvu qu’elle marche, il n'est pas nécessaire de boire beaucoup. Et même, il ne faut pas. Pourvu que ce soit déjà dans les faubourgs. Non loin du cimetière. Elle n'entre pas au cimetière. À cette heure, celui-ci est fermé. Elle erre aux alentours, à la tombée de la nuit, puis encore quand la nuit est complète. Où sont des boutiques de fleuristes et d'inscriptions funéraires. Gravées sur le marbre. Avec des sculptures d'anges et de fleurs. De livres ouverts. Parfois, quand elle entre dans un bistrot et qu'elle s'avance au comptoir, il y a de la musique. Un clip sur l'écran du poste de télévision fixé au-dessus du comptoir. Alors, elle reste plus longtemps. Elle regarde et elle écoute. Sans boire plus d'un verre, parfois deux. Voilà l'histoire. Il n'y en a pas d'autre. Elle doit garder la force de reprendre un tramway pour rentrer chez elle, en fin de compte. Pour dormir et recommencer ainsi le lendemain. Rien d'autre. Le cimetière se trouve dans un faubourg où, devant, il y a la mer.

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