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Articles

Vilnius

Quand Isabelle est partie à Vilnius avec Andrès, j'ai pensé qu'elle reviendrait mariée. Andrès Baraja était plus vieux que nous. Il était doctorant en mathématiques. Il ne faisait pas partie de notre petite bande, je ne sais pas comment ils s'étaient rencontrés, mais il m'était arrivé de les apercevoir ensemble, deux ou trois fois, et aux airs qu'ils se donnaient, j'avais compris qu'Isabelle était perdue pour moi. J'en avais ressenti du dépit, sans en être étonné. J'avais été ravi qu'elle accepte de flirter avec moi. Nous avions pris plaisir à échapper à la surveillance de nos camarades comme à celle de nos parents et de nos professeurs. Mais elle avait toujours refusé que je lui tienne la main en présence des autres, ni bien sûr que je l'embrasse, et elle prenait un malin plaisir à espacer nos rendez-vous. Quand nous nous échappions, c'était presque toujours à l'improviste, parce que nous nous étions rencontrés dans un café ou à la s...

Noël

Chrétien que je suis, si j'en avais l'énergie, j'essaierais d'expliquer en quoi Noël me paraît plus important que Pâques. Quoi qu'on en dise. Tolstoï et Wittgenstein me serviraient de guides.

Lettre de Noël

Les histoires classiques obéissent à un schéma circulaire, qui veut qu'on parte d'une situation ordinaire, plutôt tranquille, avant qu'intervienne un agent perturbateur. Un problème se pose, plus ou moins grave, auquel il faut répondre, qu'on s'emploie à résoudre, puis qu'on résoud enfin, grâce à quoi le calme revient, la vie reprend son cours, et on renoue ainsi avec la situation initiale. Dans ce type d'histoire, les évènements s'enchaînent selon des rapports de cause à effet. C'est parce que le dragon se manifeste que le jeune chevalier part à sa rencontre, armé d'une lance, et c'est parce qu'il l'occit que le village retrouve la paix. Ces histoires ont un sens. Elles sont closes, comme sont clôturés les jardins, par un mur qui court d'un point au même point en en faisant le tour. Et elles sont si nombreuses à obéir à ce schéma qu'on peut se demander s'il ne faut pas y voir une représentation symbolique de l'expéri...

Un nouveau gouvernement

Je le trouvais pas mal, ce nouveau gouvernement. Mais, en fait, Éric Coquerel dit que non, que c'est une insulte faite au Français. Des fois, on se fait insulter et on ne s'en rend pas compte. Heureusement qu'il y a des gens comme Éric Coquerel pour nous le faire remarquer. Sinon, on mourrait idiot. Qu'est-ce qui fait que les gens qui protestent ont toujours raison? Ceux qui se plaignent, ceux qui se révoltent. Quand les plus humbles se félicitent que ce ne soit pas pire. Tâchent comme ils peuvent que ce ne soit pas pire. Quand en aurons-nous fini avec cela?

Valeur des œuvres d'art

En quoi consiste la valeur d'une œuvre d'art? Pour répondre à cette question, je propose le schéma suivant qui distingue 3 points de vue différents: V1 - Valeur d'usage V2 - Valeur de témoignage V3 - Valeur de modèle V1 - Valeur d'usage . Elle tient à l'usage que l'amateur peut faire de l'œuvre dans l'ignorance, ou sans considération de la personne qui l'a produite, ni des conditions dans lesquelles elle l'a fait. Cet usage peut être hasardeux, très occasionnel, mais il peut être aussi très assidu et, dans les deux cas, provoquer de puissantes émotions. Ainsi, pour des raisons intimes, une simple chanson peut occuper une place importante dans notre vie, sans que, pour autant, nous nous soucions de savoir qui en a écrit les paroles ni composé la musique. Cette valeur d'usage est très subjective. Elle tient exclusivement à la sensibilité du récepteur (celle qu'il montre aux thèmes, au climat, au genre illustrés par l'artiste), ainsi qu...

Un rêve de Shakespeare

L'histoire était simple. Clara est à Saorge chez Vincent. C'est l'automne. Le village a retrouvé son calme après les grandes chaleurs et l'afflux de visiteurs qui se répètent chaque été. Vincent travaille à un nouveau roman, il est très occupé et pas d'humeur la plus joyeuse, cela ne se passe pas dans son histoire comme il voudrait. Clara évite de le déranger. Elle profite de sa chambre. Elle lit des romans, se promène, converse avec les habitants qui ont pris l'habitude de la voir, elle fait la cuisine, écoute de la musique, en particulier les Suites pour violoncelle seul de Jean-Sébastien Bach dans l'interprétation qu'en donne Anner Bylsma, que lui a recommandée une amie, violoncelliste elle aussi, qui est allée vivre et travailler en Italie. Puis, un jour, Vincent lui annonce qu'un cinéma de Menton programme Mulholland Drive de David Lynch, un film qu'il a déjà vu mais qu'il voudrait revoir pour en reprendre quelque chose dans son roman. ...

L'infracassable noyau de nuit

J'ai pris l'habitude de lui rendre visite dans son atelier. Je l'appelais pour savoir si elle s'y trouvait, si je pouvais venir, ou bien c'était elle qui m'invitait à la rejoindre. Toujours le soir. Je restais assis à côté d'elle pour la regarder travailler. J'aimais voir ses mains. J'avais apporté une boîte de calissons, des biscuits aux amandes, deux bouteilles de Chimay. Nous parlions peu. Il a fallu plusieurs mois avant qu'elle me propose de la raccompagner chez elle où nous pourrions dîner. Elle habitait à deux numéros de là, au fond de la rue Assalit. “J'ai pensé à vous, me disait-elle. J'ai acheté ce matin des cappelletti chez Quirino. Il ne reste qu'à les cuire.” Alors, nous buvions du vin, puis nous mangions des mandarines. Son petit appartement était presque aussi sombre que son atelier. Ensuite, elle tombait de sommeil. Le temps que je trouve mon manteau, elle se préparait à dormir. "Je t'appelle un taxi? Tu veux r...