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Articles

Un marionnettiste

C’était à une époque où circulait, entre Nice et Paris, un train de nuit. Je faisais ce voyage souvent, en m’offrant le confort d’une couchette. Mais, cette fois, je m’y étais pris trop tard, et j’avais dû me contenter d’une place assise. Jusqu’à Marseille, le train s’arrêtait dans toutes les gares et, dans mon compartiment, les passagers étaient nombreux à monter et descendre. Mais, après Marseille, il ne resta plus qu’une jeune femme avec moi, et le train ne devait plus s’arrêter qu’à Lyon, puis encore à Dijon, avant de filer tout droit jusqu'à Paris. Ce serait alors le petit matin et, en descendant du train, je me dépêcherais d’aller commander un café-crème et un croissant dans une brasserie qui ouvrirait à peine. J’avais reposé mon livre sur mes genoux et je regardais la nuit derrière la vitre quand la jeune femme, qui était assise devant moi, m’adressa la parole. Elle me dit: — Pardonnez-moi, Monsieur, mais je vois que vous aimez les histoires. Si cela ne vous ennuie pas de m’...

Le maître de piano

  Lorsque le crime de Dolorès Ortiz a été découvert, que tout le village en a parlé, l’idée m’a traversé l’esprit que Domenico Gripari pouvait être le coupable, mais je n’en ai rien dit. D’abord parce que je n’étais alors qu’un enfant. Ensuite parce qu’il ne pouvait échapper à l’attention de personne que la victime était une élève de Gripari, qu’elle séjournait au village depuis plus de six mois pour prendre des leçons de piano avec lui. Enfin parce que Domenico Gripari était mon ami. Altrosogno est un bourg perdu dans la montagne. Si, à cette époque, ce nom était cité quelquefois dans la presse, c’était dans presque tous les cas parce que Domenico Gripari s’y était retiré. Il avait fait une carrière de soliste. Une célébrité acquise très tôt lui avait donné l’occasion de se produire partout dans le monde, puis un jour il avait arrêté. Il avait déclaré qu’il était fatigué des voyages, des salles de concert trop grandes, de la discipline de fer à laquelle il devait s’astreindre pour...

Le meurtre de Michèle Soufflot

Le meurtre de Michèle Soufflot a bouleversé notre quartier. D’abord parce qu’il ne peut être que le fait d’un maniaque, et que ce maniaque, il y a toutes les chances pour qu’il demeure parmi nous, prêt à récidiver. S’en étant pris impunément à elle, il faudra qu’il s’en prenne à d’autres, nous ne manquons pas d’ivrognes et de fous pour lui servir de proies. Il suffit d’attendre que l’occasion se présente. Une nuit de lune vague après la pluie. Et puis, parce que Michèle Soufflot était notre fantôme le plus ancien et le plus assidu. En toute saison, à toute heure du jour ou de la nuit, il arrivait qu’on la voie marcher seule, parler seule, tourner au coin des rues, d’un pas rapide de quelqu’un qui court à une affaire, vêtue d’une chemise de nuit sous un manteau, les deux mains enfoncées dans les poches du manteau, des chaussettes et des pantoufles aux pieds, tandis qu’elle ne courait après rien ni personne de visible. Un fantôme qui court après d’autres fantômes, voilà ce qu’elle était....