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Affichage des articles associés au libellé Gisèle

Gisèle (5)

J’ai travaillé sans relâche durant les quatre jours qui ont suivi sans arriver à rien. J’ai commencé par demander à George, qui nous servait d'intermédiaire, de me faire parvenir le texte de la chanson du rappeur. Encore qu’elle était en français, à l'écoute, je ne comprenais pas une parole sur dix. À l'écrit, j’ai pu en comprendre trois, peut-être quatre, mais cela n'était pas suffisant pour me tirer d’affaire. L’univers évoqué était trop loin de moi, de mes goûts, de ce que je savais du monde, de ce que j’aimais de la vie, et tous les concepts graphiques que j’essayais tour à tour, je devais me rendre à l’évidence qu’ils n'étaient que des copies de ce que d’autres avaient fait et continuaient de faire ailleurs, avec plus de conviction et de sincérité. Si bien que j’ai renoncé. Paul et George avaient eu l’amabilité de s’adresser à moi, puis de me confirmer leur commande. Je devais, de mon côté, avoir celle de ne pas leur fournir une proposition médiocre, qu’ils dev...

Gisèle (4)

La dernière mention du nom de Gisèle remontait à six ans. De nouveau, la note était succincte, mais on pouvait comprendre que Mme Simonin avait été informée par l’une de ses élèves qu’un jeune homme était arrivé au village, qu’on ne connaissait pas, qui semblait être là pour Gisèle et que celle-ci présentait comme son cousin. Un garçon très brun et maigre comme un clou. L’œil noir. Gisèle semblait heureuse de sa compagnie. Il l'attendait à la sortie du lycée, ils marchaient ensemble dans les rues, ils s’attardaient dans les jardins. L’indication selon laquelle “On ne sait pas où il dort” était soulignée au crayon rouge, un gros crayon à double pointe, rouge et bleue, dont Mme Simonin se servait pour annoter les partitions. Et puis, plus rien. Rien à propos de Gisèle, ni non plus à propos de ses élèves, de sa maison, de son jardin, seulement l’expression vague de quelques soucis de santé — “Je perds la mémoire”, “Il faut que je change de lunettes”, “Le sol s’est dérobé sous mes pied...

Gisèle (3)

Gisèle avait été amenée par une camarade de collège qui était une élève de Mme Simonin. Elle était restée assise durant toute la leçon, visiblement intéressée et plutôt amusée par le rituel étrange auquel elle assistait, à la suite de quoi Mme Simonin leur avait offert à goûter, elles avaient bavardé, et ainsi Mme Simonin avait pu se faire une première idée de qui était Gisèle: une fillette de quatorze ans, qui avait grandi à Marseille et que les services sociaux avaient placée à Castellane dans une famille d’accueil. La famille d’accueil était constituée d’Étienne Lorho, employé municipal, de sa femme Laurette qui faisait des ménages chez des particuliers, et de leurs trois enfants. Mme Simonin ne connaissait pas ces gens, elle ne tenait pas à les connaître, mais elle s’est intéressée à Gisèle, elle lui a dit qu’elle pouvait revenir quand elle voulait, elle lui a proposé de lui apprendre un peu de piano ou de violon, gratuitement bien sûr, et elles ont essayé, mais Gisèle ne tenait pa...

Gisèle (2)

Je descendais un chemin caillouteux, j’ai fait une chute sur les fesses dont je me suis relevé avec une violente douleur au poignet. J’ai repris ma voiture et j’ai regagné le village en conduisant d’une main. Au cabinet médical, j'ai été reçu par le docteur Hortense Machaud. Elle a palpé mon poignet, j’ai remué les doigts. Sans lever les yeux, elle m’a demandé si j'étais en vacances ici. Je lui ai parlé de la maison de Mme Simonin. Les yeux toujours baissés, comme pour me faire attendre, elle m’a dit: — Je connais Mme Simonin. Je suis le médecin de l’institut Beauséjour où elle est pensionnaire, et avant cela je la voyais chez elle, à la villa Uranie. La maison de Mme Simonin s'appelait "Villa Uranie". Je ne l'avais pas remarqué jusqu'alors. Nous nous sommes revus. La radiographie a décelé une légère fracture. On m’a mis un plâtre. Je devais renoncer à conduire jusqu'à ce qu’on m’enlève ce plâtre, le prétexte tout trouvé pour prolonger mon séjour à Cas...

Gisèle (1)

 C'était bien la maison où j’avais passé des vacances avec mes parents, un été, quand j’avais dix ans. J’avais cru la reconnaître en voyant sa photo sur le site internet de l’agence, et maintenant je ne pouvais plus douter. Une maison grise, aussi large que haute, comme celle d’un notaire ou d’un médecin à l’ancienne, mais sans luxe, avec seulement trois marches de perron et un air désuet, au fond d’un parc planté de marronniers, sur la rive du Verdon. À l’agent immobilier qui a ouvert la grille du parc, j’ai dit que je connaissais cette maison, que j’y avais séjourné quand j'étais enfant, et que je me souvenais aussi de sa propriétaire, Mme Simonin qui nous y avait reçus. — Connaissez-vous Mme Simonin? lui ai-je demandé. Est-elle encore vivante? Il m’a répondu que oui. Qu’elle s'était retirée dans une résidence pour personnes âgées, trois ans auparavant, qui se trouvait à une quinzaine de kilomètres d’ici, plus haut dans la montagne. — Déjà, à l’époque, elle vivait seule, ...