Nina est invitée à la fête donnée pour le mariage de sa cousine Isabelle, et elle demande à Arsène de l’accompagner. C’est en automne et la fête est donnée dans une auberge située sur la plaine du Var, au bord de la route bordée de grands platanes qui file tout droit vers la montagne.
Quand Nina et Arsène arrivent à l’auberge, il fait nuit, une pluie abondante et froide inonde la route, et la fête a déjà commencé. Ils sont venus en taxi. En sortant du taxi, ils voient les fenêtres éclairées de l’auberge, de l’autre côté de la route. Ils traversent en se tenant la main de crainte de glisser. Ils baissent la tête sous la pluie qui secoue les arbres, qui s’abat sur eux par rafales. Ils arrivent trempés.
Nina a demandé à Arsène de l’accompagner à cette fête parce qu’elle craignait de s’y ennuyer. Elle a pu dire quelque chose comme: “Ma cousine est très gentille mais nous ne nous ressemblons pas beaucoup, nous n’avons pas les mêmes goûts ni les mêmes amis, je ne connaîtrai personne.” Et nous pouvons penser que c'était pour elle l’occasion aussi de présenter Arsène à son père et son oncle Raùl.
Quand ils arrivent, le thème est à la pluie. La météo annonce que la situation ne fera qu’empirer dans les heures qui suivent, si bien que le programme des jeunes mariés a été bouleversé. L’oncle Raùl dit à Nina: “Il était prévu qu’ils nous faussent compagnie pour rejoindre l’aéroport. Mais nous venons d’apprendre qu’il n’en est plus question, l'aéroport est fermé. Alors, avec ton père, nous avons réservé des chambres, ici, à l'étage. Pas question de vous laisser repartir par un temps pareil. Pour une fois que nous sommes réunis.”
La troupe compte une trentaine d'interprètes de tous âges, parmi lesquels des enfants joliment vêtus qui courent entre les jambes. La scène correspond au salon de l’auberge. Quatre musiciens sont juchés sur une petite estrade. Les autres devant eux se déplacent en désordre. La musique ne cesse pas. Il y a celle que jouent les quatre musiciens sur l’estrade et il y a celle qu’on continue d’entendre quand ils arrêtent de jouer. La musique vivante, qu’on voit jouer en même temps qu’on l’entend, est celle de la variété populaire, des chansons à la mode, l’autre est de la musique savante, la plus emphatique. Quand les musiciens auront définitivement abandonné leurs instruments, nous en serons à du Richard Strauss.
Les parents d'Isabelle et le père de Nina occupent le centre de la scène, les autres (les invités) se déplacent autour d’eux en dansant. Côté jardin, deux hautes fenêtres donnent sur la route. Outre la pluie et les éclairs, on voit des branches de platanes qui viennent s’y coller, grimaçantes, pour reluquer ce qui se passe à l’intérieur. Côté cour, un buffet derrière lequel se tiennent deux serveurs qui ne tarderont pas à quitter leurs vestes blanches pour rejoindre les danseurs, eux aussi. Les trois parents, au centre, sont contents, ils sont fiers. Tour à tour, les invités qui dansent s'arrêtent devant eux pour faire leurs compliments. Puis, quelque chose se détraque. On ne sait plus où est la mariée.
Des jeunes femmes parmi les danseurs clament d’une voix traînante: “On cherche Isabelle, on cherche la mariée. Si quelqu’un l’a volée, il est prié de nous la rendre. Son joli mari l’attend, ses parents aussi, et surtout nous qui sommes allées à l'école avec elle, qui avons appris avec elle à nous déguiser en sorcières et à confectionner des cookies. Nous sommes prêtes à payer une rançon. La pièce montée arrive!”
L’instant d’avant, Isabelle dansait avec les autres, puis voilà qu’elle a disparu. On s’en amuse d’abord. Elle a dû monter à l'étage pour se changer, quitter sa robe de mariée pour une autre plus simple, dans laquelle elle sera plus à l’aise pour danser. Mais comme elle ne revient pas, sa mère monte la chercher. Elle disparaît au fond de la scène, emprunte un escalier dont on suppose qu’il conduit à l'étage. Et quand un moment plus tard elle revient, seule et la mine dépitée, on comprend que l’affaire se complique. Puis, c’est Nina qui monte chercher sa cousine, et cette fois, Isabelle redescend avec elle. Leurs visages sont nus, sans aucun maquillage. Elles portent des robes semblables, couleur pastel, fluides, soyeuses, à fines bretelles, pas très longues, qui ondulent sur le corps, qui épousent les formes du ventre et des seins.
Bientôt ils ne sont plus qu’une poignée à danser au milieu de la scène, parmi lesquels les quatre musiciens, et les mouvements de leurs corps, répétitifs et parodiques, sont sans rapport avec la musique du Chevalier à la rose que nous entendons mais qu’eux semblent ne pas entendre, tout cela au milieu des autres qui se sont endormis ici et là, où ils ont pu, dans les poses les plus abandonnées, avant que le jour très pâle finisse par éclairer les fenêtres, et que les plus vaillants sortent sur le trottoir où la pluie a cessé.
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