L’imagination de Bruno s'est mise en branle la première fois qu’il a eu à s’occuper de la voiture du prétendu Norfolk. Jamais personne jusque-là n'était venu lui confier un véhicule de ce prix, et comment son propriétaire pouvait-il savoir que Bruno avait appris le métier, quinze ans auparavant, chez un concessionnaire d’Aston Martin à Londres?
De plus, la voiture était neuve, à peine plus de mille kilomètres au compteur, elle sortait de l’usine, et son travail de mécanicien s’est réduit à une série de vérifications qui l’ont occupé une heure ou deux, après quoi il est sorti fumer des cigarettes dans la nuit, sur le seuil de son garage, en attendant le retour du mystérieux personnage, et en échafaudant des hypothèses les plus fantasmagoriques concernant sa véritable identité.
À l’aube, Norfolk est réapparu dans la rue déserte. C’était, dans le brume du petit jour, la silhouette d’un homme à peine plus grand que la moyenne, en pull à col roulé, le visage rasé et les yeux bleus. Il a répété à Bruno qu’il serait payé dans l’heure et, sans attendre de réponse ni aucun commentaire, il s'est installé au volant et il est parti. Et une heure plus tard, en effet, Bruno recevait l’avis d’un virement bancaire dont il avait craint qu’il ne viendrait jamais, mais dont le montant indiqué s’élevait au double de ce qu’ils étaient convenus.
Norfolk lui avait laissé une carte de visite. Bruno s'est dépêché de signaler l’erreur en envoyant un message sur le numéro de téléphone qui y était indiqué. Puis, dans la minute qui a suivi, il a reçu en réponse un message qui disait: “Non, il n’y a pas d’erreur. Merci de l’oublier.” Enfin, deux jours se sont écoulés sans qu’il se passe rien, avant que Bruno apprenne, tout à fait par hasard, l’assassinat du célèbre banquier Emilio Cassirer.
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