C’était un antiquaire. Il était plutôt petit et rond, le teint mat. Il portait une veste d’intérieur aux revers chamarrés, et, en le suivant, j’ai remarqué que la poche droite de sa veste était déformée, et tout de suite alors j’ai pensé qu’il portait un Luger. Pourquoi un Luger? Pourquoi ce nom m’est-il venu à l’esprit? Je ne connais rien aux armes, mais un petit Browning 6,35, modèle 1906, aurait mieux fait l’affaire. Pourquoi avais-je dans l’idée que la mer atteignait très vite de grandes profondeurs au pied du rocher, derrière l’opéra? À cause des nuages sans doute qui lui donnaient une drôle de couleur.
Il promenait avec lui, à travers le magasin plein d’objets éclatants, comme une caverne d’Ali Baba, un parfum mêlé de lavande et de tabac blond. Le nom des Craven A m’est venu à l’esprit presque en même temps que celui de Luger. “Une clientèle riche”, disait-il en me tournant le dos, “cosmopolite et exigeante”, et tout de suite il a poursuivi en anglais. Déjà au téléphone il m’avait demandé si je parlais cette langue, et moi je me retenais de sourire. Je pensais à la mer telle que je l’avais vue en montant par l’avenue d’Ostende, sous les nuages et sous le vent. Je me disais que sa profondeur pouvait abriter aussi bien une pieuvre géante, comme on en voit dans le roman de Jules Verne.
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