J’ai vu Phyllis quand la voiture s’est arrêtée devant le petit restaurant de Jim et qu’elle en est descendue. Il était un peu plus de minuit. J’étais debout à l’entrée de la ruelle, à côté du restaurant, là où je me tiens le plus souvent à cette heure de la nuit. L’entrée de mon immeuble est dans la ruelle, derrière moi, à quelques pas seulement, et une fois monté dans ma chambre, je me tiens debout, un long moment encore, devant ma fenêtre.
Quand Phyllis est descendue de la voiture, elle ne m’a pas vu, ou elle a fait semblant de ne pas me voir. Il faut dire qu’elle baissait la tête parce qu’il pleuvait un peu. Elle tenait d’une main son petit sac au-dessus de sa tête pour protéger ses cheveux. Elle était pressée de rentrer chez elle pour se mettre à l’abri. Elle habite tout près. Quel âge peut avoir cette gamine? Elle m’a dit vingt-cinq ans, je dirais plutôt vingt-deux ou vingt-trois, peut-être moins. Que vient-elle faire ici? Elle me lit les lettres de sa mère. Chaque fois, elle m’appelle au téléphone et elle me dit: “J’ai reçu une lettre de maman. Je peux te la lire?” Alors, elle vient chez moi, ou bien nous nous retrouvons chez Jim.
Jim reste seul à présent pour tenir son petit restaurant. Il s’en sort pas mal. Je crois qu’il continuera ainsi. Quand le dernier client est parti, il vient fumer une cigarette avec moi, à l’entrée de la ruelle. Le métro passe sur un pont au-dessus de nous. Je voudrais lui parler du visage de Phyllis mais ce n’est pas à moi de le faire, ce serait plutôt à lui. Un visage qu’on voit éclairé par un projecteur ou par les phares d’une voiture. Tourné vers vous. Qui vous regarde sans vous reconnaître, comme si elle avait peur, peut-être juste parce qu'elle est myope.
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