J’ai travaillé sans relâche durant les quatre jours qui ont suivi sans arriver à rien. J’ai commencé par demander à George, qui nous servait d'intermédiaire, de me faire parvenir le texte de la chanson du rappeur. Encore qu’elle était en français, à l'écoute, je ne comprenais pas une parole sur dix. À l'écrit, j’ai pu en comprendre trois, peut-être quatre, mais cela n'était pas suffisant pour me tirer d’affaire. L’univers évoqué était trop loin de moi, de mes goûts, de ce que je savais du monde, de ce que j’aimais de la vie, et tous les concepts graphiques que j’essayais tour à tour, je devais me rendre à l’évidence qu’ils n'étaient que des copies de ce que d’autres avaient fait et continuaient de faire ailleurs, avec plus de conviction et de sincérité. Si bien que j’ai renoncé. Paul et George avaient eu l’amabilité de s’adresser à moi, puis de me confirmer leur commande. Je devais, de mon côté, avoir celle de ne pas leur fournir une proposition médiocre, qu’ils devraient refuser, ni de les faire trop attendre.
Le cinquième jour, je leur ai écrit pour leur indiquer les noms et adresses de trois autres graphistes qui feraient mieux que moi, et, afin qu’ils comprennent dans quel paysage géographique je me situais, dans quel imaginaire je me voyais transporté à présent, auquel ma nature rêveuse se prêtait davantage, me rendait attentif, qui était fait d’eaux courantes et de rochers, de glissements de nuages, d’un chat poursuivant une perdrix dans les allées du parc, de hululements d’une chouette perchée sur une branche de marronnier, de la porte d’une cave qui grinçait sur ses gonds, du son d’un piano qu’on joue avec deux doigts et qui s’avère désaccordé, de pommes de terre épluchées et taillées par deux mains de femme qui les verse dans une poêle avec une gousse d’ail, j'ai fait un montage des photos et des courtes vidéos que j’avais réalisées depuis mon arrivée ici. J’ai fait cela très vite, d'instinct, presque en aveugle, et j’ai tout envoyé. La réponse ne s’est pas fait attendre. Georges m’a répondu qu’il me remerciait de ce conseil, en m’assurant que Paul me remerciait aussi. Qu’ils comprenaient. Et que ce serait donc pour une prochaine fois.
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