Le ciel sur la tête (3)
Le Samouraï de ma fiction (de mon fantasme) est celui du film de Jean-Pierre Melville, qui est cité plusieurs fois déjà dans le projet Nice-Nord. C’est une figure importante de ma mythologie personnelle. Il apparaît en particulier dans La Chèvre et le Samouraï (dans Évite) où il est question de la guerre d’Algérie et qui évoque le début de ma relation avec celle qui devait devenir ma femme, et que j’ai aujourd'hui perdue.
Le film sort en 1967. Aujourd'hui, avec le recul, mes yeux s'ouvrent et je découvre soudain l’évidence qui aurait dû me frapper depuis le premier jour, à savoir que Jeff Costello a combattu en Algérie avant de devenir tueur professionnel à Paris.
Je ne sais pas si cette hypothèse interprétative a déjà été proposée par la critique mais elle me semble tenir la route, et même être la seule en mesure de fournir une profondeur historique au personnage qui autrement semble tomber du ciel.
Je la soumets à Gemini. Le robot me répond en ajoutant des arguments qui me paraissent décisifs. Il dit ainsi que “Bien que ce ne soit jamais explicitement mentionné, le comportement, la rigueur, la discipline quasi-militaire, et le côté solitaire et méthodique de Costello suggèrent un entraînement et une expérience qui vont au-delà de celle d'un simple criminel. L'armée, et en particulier un conflit comme la guerre d'Algérie, aurait pu forger ce type de personnalité.”
Il parle aussi de traumatisme et de détachement: “On voit que d’anciens combattants ont développé un détachement émotionnel et une capacité à opérer dans des environnements hostiles, qui se retrouvent chez Costello. Sa quasi-absence d'expression, son silence, et son code d'honneur très strict pourraient être des reliquats d'une formation militaire et des mécanismes d'adaptation à un passé traumatisant.”
Il évoque l'ancrage historique: “Le film est sorti en 1967, soit quelques années après la fin de la guerre d'Algérie (1962). La présence de vétérans de ce conflit dans la société française était une réalité palpable, et il est plausible que Melville y ait songé, sans pour autant évoquer cet arrière-plan pour ne pas dissiper le mystère autour de son personnage.”
Il conclut que “cette hypothèse n'est pas la plus couramment citée dans les analyses du film [et, en effet, il ne fournit aucune référence], qui se concentrent souvent sur l'aspect stylistique de Melville, l'influence du film noir américain, ou le caractère archétypal du tueur à gages. Cependant, elle est tout à fait crédible et apporte une couche de lecture supplémentaire très pertinente.”
Et pour me récompenser, il termine par: “Merci d'avoir partagé cette idée, elle enrichit considérablement l'analyse de ce chef-d'œuvre!”
Une fois que la chose est dite, elle paraît évidente. Elle tombe sous le sens. La question est de savoir pourquoi elle n’a pas pu être vue et dite avant, et pourquoi elle l'est maintenant, alors qu’aucune information particulière n’est venue s’ajouter à ce qu’on savait déjà.
J’avais seize ans en 1967, et depuis, j’ai dû revoir Le Samouraï une bonne dizaine de fois, sans savoir ce que celui-ci me voulait. Avec pour seul mérite de ma part de ne pas me détourner de lui, au prétexte que je ne savais pas. En lui faisant confiance, en me faisant confiance.
Victor Hugo écrit: “C’est parce que l’intuition est surhumaine qu’il faut la croire; c’est parce qu’elle est mystérieuse qu’il faut l’écouter; c’est parce qu’elle semble obscure qu’elle est lumineuse." (dans Préface de mes œuvres et post-scriptum de ma vie)
Je n’avais rien d’un tueur, je ne craignais pas de le devenir un jour, mais toute cette violence que je portais en moi et dont seul l’amour pour une femme a montré la mesure!
Pour moi et mon "historique" différent, le Samouraï est un samouraï, un vrai. Je ne pense pas qu'en 1967 ça faisait echo à beaucoup de monde. C'est un authentique samouraï totalement fascinant, et tout japonais le perçoit, bien sûr. Il s'inscrit dans la tradition des films de samouraïs , comme Après la pluie. Ou d'une autre façon, Ghost Dog.
RépondreSupprimerBien sûr. Tu as raison. Tu connais l'anecdote ? Melville est chez Delon, il lui parle pour la première fois du projet. Delon se lève et l'emmène dans sa chambre pour lui montrer un sabre de samouraï pendu au-dessus de son lit. Ce qui me fait penser à quelque chose d'analogue dans le Bodyguard de Mick Jackson (1992). L'enquête continue 🙂
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