Abel était son chef de fabrication. Je l’avais rencontré à la rue Emmanuel Philibert dès ma première visite, et chaque fois depuis lors j’avais eu affaire à lui. Abel était plus âgé qu’Arsène d’une quinzaine d’années (presque aussi vieux que moi), et dès le premier jour j’avais apprécié son sérieux. Il avait les épaules larges, le regard sombre, il parlait peu. Arsène avait-il découvert le métier d’imprimeur quand il était à Paris? Ce n’était pas impossible. Mais ici, il s’appuyait de toute évidence sur l’expérience d’Abel. Entre eux, la répartition des rôles était claire. Arsène était le patron. C’était lui qui s’arrangeait pour obtenir les commandes et qui faisait rentrer l’argent, tandis qu’Abel se chargeait du reste. Arsène vantait la compétence d’Abel. Il disait de lui que, dans son métier, il était le meilleur, que c'était un champion. Il s’en engorgueillait comme d’un cheval de course qu’il aurait ajouté à son écurie et avec lequel il comptait remporter le Grand prix. Mais A...
Christian Jacomino