Une photo de face où, dans un sourire forcé, il/elle montre ses dents. Quand vous vous montrez aimable avec les infirmières, il y a plus de chances qu'elles se montrent aimables avec vous. Plus attentives, plus serviables. Surtout la nuit. À travers les vitres, il regarde le parc en hiver. En pyjama, debout devant la fenêtre de sa chambre.
Incapable de dire où il est, ou plutôt on le lui a dit mais c'est loin de chez lui et il situe mal la région. On lui a dit oui loin là-bas, vous savez, du côté de l'océan dont la nuit parfois on peut entendre la rumeur et voir voler dans le noir le blanc des goélands. Il n'est pas craintif, seulement étourdi et plutôt curieux des noms des arbres et des oiseaux qu'il voit dans le parc selon leurs espèces.
Aucun souvenir de l'accident, puisqu'on lui a parlé d'un accident, alors qu'il roulait de nuit dans une vallée obscure, on lui a dit des gorges, mais images plutôt de livres empilés en désordre sur des étagères de bois où il avance ses mains pour en découvrir certains dont il avait oublié l'existence et qui l'attendaient là. Qu'est-ce que les souvenirs de la poésie latine venaient faire dans celle de Jude Stéfan, il se demande.
Ou parfois aussi un hôpital où, dans un grand dortoir, des voiles blancs séparent les lits et se soulèvent mollement sous des ventilateurs qui pendent au plafond. Un bâtiment de bois quelque part en Asie, au cœur d'une forêt que hante un grand singe qui enjambe le rebord des fenêtres pour visiter le sommeil des malades, la nuit, sans réveiller personne.
(Cf. Weerasethakul)
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