“La maison que tu n’as pas connue…
— Oui, je l’ai connue, tu m’y as emmené une fois, d’ailleurs j’en garde des photos.
— Oui, mais elle était fermée. Personne n’y habitait plus.
— Au bout d’un chemin que nous avons fait à pied. Que tu faisais à pied, m’as-tu dit, quand tu étais enfant.
— Les enfants de cette famille, pour aller à l’école, faisaient le même chemin à pied, matin et soir, en toute saison. J'allais parfois les y rejoindre. Pour passer une journée avec eux.
— Au village, votre école était au rez-de-chaussée du bâtiment de la mairie. Une classe unique. Et les jours d’école, à midi, tu montais à l’étage où vous aviez votre logement de fonction.
— Ma mère avait préparé le repas, d'autres enfants rentraient chez eux, tandis que ceux de cette famille mangeaient dans la classe ce qu’ils avaient apporté.
— Le maître était ton père et tu étais chez toi.
— En classe, Sylvie et moi étions assises à la même table. Je poussais une règle au milieu de la table pour marquer la frontière. J’étais mauvaise.
— Tu as continué de la voir?
— Mon père a obtenu un poste de directeur à Nice. Notre vie a changé. Mais un jour, il n’y a pas si longtemps, je l’ai rencontrée à Paris, à la terrasse d’un café, devant la mairie du dix-huitième.
— C’est vrai, tu m’avais dit. Vous vous êtes reconnues, vous avez hésité.
— Elle m’a donné des nouvelles des gens du village, certains que j’avais oubliés.
— C’était une grande bâtisse.
— Avec des étages, des caves, des greniers. Eux-mêmes, à l'époque, ne l’habitaient pas toute entière. Sa mère, qui était vieille, y vivait seule maintenant. Sylvie téléphonait chez Picard, elle lui commandait ses repas pour la semaine, qui lui étaient livrés peut-être par le facteur. Quand je t’y ai emmené, je savais qu’elle était vide.
— Il ne restait que des grands murs de pierre au milieu des chênes, des renards et des oiseaux.”
Commentaires
Enregistrer un commentaire