(4 février 2020)
samedi 25 novembre 2023
Arrière-saison
Je passais mes soirées au pub puis,
pour regagner la petite maison que j'habitais,
je passais par la plage. Celle-ci alors
était vide. Il m'arrivait
de m'arrêter pour regarder la mer,
et quelquefois de dormir sur le sable.
Au matin, j'étais réveillé par la pluie.
Dans mon sommeil, j'avais essayé en vain
de reconstituer un rondel de Tristan Corbière.
À présent il me revenait aux lèvres sans que
j'hésite. Je le disais debout, en serrant mon
caban, en grelottant de froid: “Va vite, léger
peigneur de comètes ! Les herbes au vent
seront tes cheveux...”
Evite
Évite
de remuer
la nuit
De rider l’eau
et le sable
sous l’eau
D’agiter
les fougères
dans l’air
du soir
Mottes de terre
traversées
de lombrics
les nuages
d’ardoise
Une rangée
de grands
arbres nus
prévenus
de la nuit
par les cris
des corbeaux
Écoute
la rivière
sans la voir
(25 janvier 2020)
Fuite
À quoi rêvais-je quand la pluie
fut la plus forte? Étais-je assis dans un fauteuil
devant mes livres ou à courir sous les fougères, zigzagant entre les gouttes
parmi des rats dont l'un plus gros que j'attrapai par la queue
pour qu'il m'entraîne? Et le conte prévoit-il
que le jour enfin revienne?
Je quitte la forêt
pour m'avancer dans la cour
déserte d'une ferme.
Quand l’on a faim et soif, quelqu'un apparaît, sans visage, et vous montre un puits.
Tapisserie
Lorsque j’étais le cerf que l’on chasse, mes bois heurtaient les branches les plus basses des arbres, mon cœur battait si fort,
Pas de rivière où enfin l’on s’arrête, où l’on se mire, où l’on boit, seulement les aboiements des chiens qui accourent, que j’entends sans les voir à cause des feuillages des taillis épais,
Une rivière soudain qui m’arrêtait et je restais sur la berge à haleter, à écouter le son du cor, les aboiements des chiens qui bavent,
Qui franchissent en courant l’obstacle d’un arbre couché, viennent à leur suite les cavaliers vêtus de rouge qui sonnent du cor,
Linceul de sueur sur tout mon corps qui haletait et je restais derrière les arbres,
Un rayon de soleil oblique perce les feuillages,
Mon regard s’embuait, grelottant du froid qui montait de la rivière, mes yeux fendus baignés de larmes.
Une attraction de foire
Son art, si art il y avait, n'avait
rien à voir avec la Poésie, plutôt avec la Passion
d'apparaître et disparaître lui-même tout entier.
Une attraction de foire qu'il exerça dans les foires
des villes d'Europe où il accompagnait
la famille qui l'avait recueilli dès l'enfance,
souvent dans de pauvres Villages où
ils parvenaient à la nuit tombée, grelottant
sous une pluie qui n'avait pas cessé depuis
des nuits et des jours (leur caravane
sentait le Chien mouillé, une gouttière se formait
au bout de leurs chapeaux), mais quelquefois aussi
sur les scènes les plus prestigieuses (les mieux
éclairées) de Londres ou Copenhague. Un destin
qui le faisait se replier comme un pantin
dans des coffres, se pendre dans des portants
de costumes bariolés. Qui le faisait éternuer.
À cause du fard à joues. Et jouer de la
guitare et chanter comme on fait en Italie.
Combien de langues au juste savait-il parler?
De combien d'instruments de musique pouvait-il
jouer? Et ces tours connus de lui seul qui le rendaient
invisible dans les miroirs. Ces chaînes
au fond des bassins où il manqua se noyer.
Baigneurs
Les baigneurs sont trop loin dans les dunes,
écrasés de soleil, silhouettes à peine moins
graciles que le parasol coiffé de bleu
et blanc que le vent menace d’emporter,
qui les fait se lever, tourner autour et danser
une danse de Sioux, si bien que tu hésites
à te prononcer sur l’âge et le sexe de ceux
que tu aperçois, encore que ce soit
bien la beauté de leurs corps qui t’émeut,
lesquels sont alors, tracés en noir sur blanc,
comme paraphe de leur âme.
Ou ces autres, vus de haut, qui paraissent
flotter dans le bleu comme des anges.
Le spectacle des êtres humains aperçus
de si loin suffit à l’éblouissement
d’un esprit lassé, qui n’a point perdu le goût
de ses semblables mais qui souhaite
les saisir au point où l’âme et le corps
se confondent. Ne font qu’un.
Comme Dieu lui-même les regarde d’où il est,
ou les anges. Ou Alberto Giacometti.
Tel baigneur, comme tel piéton filiforme dans
l’œuvre du sculpteur, serait-il moins connu
d’être aperçu de loin, et qu’entre lui et nous
pas un mot ne soit dit?
À Thot
Tablette évoque l’Égypte et ses tombeaux, le fleuve et les roseaux où se posent des ibis.
Les journées les plus libres, de ciel clair et vent,
n’empêchent pas qu’il écrive la nuit.
Sable soulevé criblant les murs d’un tombeau où volent des ibis, et le parfum de l’eau du fleuve.
Au couchant, le bois
mouillé des barques couvertes de chiures d’oiseaux,
les poivriers.
Que vit-il? Il vit. Couché,
le visage seul éclairé par l’écran.
Quand on quitte Marseille, les rochers
baignent dans une eau transparente
dont on devine la teneur excessive en sel.
Brûlant le linge étendu qui bat.
Les barques. Les ailes du soleil.
(10 juin 2009)
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