Accéder au contenu principal

Après l’école

Nous aurions avantage, me semble-t-il, à accorder une place beaucoup plus importante aux pratiques amateures de l'art, celles d'abord du théâtre, de la danse et de la musique. Et, par conséquent, beaucoup plus d'argent aussi. Comment ne pas souhaiter que les élèves de nos établissements scolaires quittent l'école (ou le collège, ou le lycée) tous les jours après trois heures de l'après-midi, ou même avant, pour se consacrer à des activités qui ne leur seront pas imposées mais qu'ils auront choisies? Pour faire du théâtre avec des comédiens, de la danse avec des danseurs et de la musique avec des musiciens? Ou, aussi bien, des arts visuels avec des plasticiens, et de l'écriture créative avec des auteurs.

Il me semble que Franz Kafka aurait été de mon avis, et qu'Ariane Mnouchkine le serait aussi.

On s'épuise à vouloir que les jeunes aillent au théâtre, au concert, au ballet. Et on se plaint de ce qu'ils ne montrent pas beaucoup d'enthousiasme à le faire. Mais on le fait sans vouloir considérer que ce qu'ils refusent, ce n'est pas le théâtre, ou la danse, ou la musique, c'est bien plutôt la place de spectateurs à laquelle on les assigne. Ce qu'ils refusent ou qu'ils n'acceptent plus aujourd'hui très volontiers, c'est d'être réduits au statut d'admirateurs du talent des autres.

À huit ans comme à seize, ils n'ont pas grand-chose à faire de ce que Molière, en son temps, fut un génie. De ce qu'il voulut combattre les préjugés de l'Ancien régime, comme leurs professeurs de français s'épuisent à vouloir leur faire entendre et approuver. Cela les fatigue. Ils ne sont pas disponibles pour l'entendre. Ce n'est pas leur problème. En revanche, quand on leur propose de s'engager dans l'activité collective d'un atelier de théâtre conduit par de vrais comédiens, pour peu que ceux-ci connaissent leur métier et soient désireux de transmettre ce qu’ils savent, on les voit se passionner, presque toujours. Et avec cela, en engageant leurs corps dans l’aventure, ils apprennent beaucoup. Au moins, à faire ensemble.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

L'école de la langue

L'être parlant est soumis à l’ordre de la langue . Il l’est depuis son plus jeune âge et jusqu'à son dernier souffle. Et il l’est quel que soit son milieu social, son niveau de culture et son désir éventuel de “faire péter les règles”. À l’intérieur de cet ordre, il trouve sa liberté mais il n’est pas libre de s’en affranchir. Pour autant, s’il y est soumis depuis toujours, ce n’est pas depuis toujours qu’il en a conscience. Le petit enfant parle comme il respire, ce qui signifie que la langue qu’il parle et qu’il entend est pour lui un élément naturel, au même titre que l’air. Et il parle aussi comme il bouge ses bras et ses jambes, ce qui signifie qu’il a le sentiment que cette langue lui appartient aussi bien que son corps. Et il reste dans cette douce illusion jusqu'au moment de sa rencontre avec l'écrit. L'école a pour mission de ménager cette rencontre et de la nourrir. Les personnes qui nous gouvernent, et qui souvent sont fort instruites, peuvent décider que

Le meurtre de Michèle Soufflot

Le meurtre de Michèle Soufflot a bouleversé notre quartier. D’abord parce qu’il ne peut être que le fait d’un maniaque, et que ce maniaque, il y a toutes les chances pour qu’il demeure parmi nous, prêt à récidiver. S’en étant pris impunément à elle, il faudra qu’il s’en prenne à d’autres, nous ne manquons pas d’ivrognes et de fous pour lui servir de proies. Il suffit d’attendre que l’occasion se présente. Une nuit de lune vague après la pluie. Et puis, parce que Michèle Soufflot était notre fantôme le plus ancien et le plus assidu. En toute saison, à toute heure du jour ou de la nuit, il arrivait qu’on la voie marcher seule, parler seule, tourner au coin des rues, d’un pas rapide de quelqu’un qui court à une affaire, vêtue d’une chemise de nuit sous un manteau, les deux mains enfoncées dans les poches du manteau, des chaussettes et des pantoufles aux pieds, tandis qu’elle ne courait après rien ni personne de visible. Un fantôme qui court après d’autres fantômes, voilà ce qu’elle était.

Un père venu d’Amérique

Quand Violaine est rentrée, il devait être un peu plus de minuit, et j’étais en train de regarder un film. Le second de la soirée. À peine passé la porte, j’ai entendu qu’elle ôtait ses chaussures et filait au fond du couloir pour voir si Yvette dormait bien. Dans la chambre, j’avais laissé allumée une veilleuse qui éclairait les jouets. Violaine l’a éteinte et maintenant l’obscurité dans le couloir était complète. Et douce. Elle est venue me rejoindre au salon. Elle s’est arrêtée sur le pas de la porte. Pas très grande. Mince pas plus qu’il ne faut. Yeux noirs, cheveux noirs coupés à la Louise Brooks. Elle a dit: “Tout s’est bien passé? — À merveille. — Elle n’a pas rechigné à se mettre au lit? — Pas du tout. Je lui ai raconté une histoire et elle s’est endormie avant la fin. — Elle n’a pas réclamé sa Ventoline? — Non. D’abord, elle est restée assise dans son lit, et j’ai vu qu’elle concentrait son attention pour respirer lentement. Elle m’écoutait à peine, puis elle a glissé sous le